Nouveau fleuron technologique d’une PlayStation 4 que rien n’arrête, inFAMOUS Second Son tient pourtant moins d’une promesse que d’un aboutissement. Troisième épisode d’une série née sur PS3, le nouveau jeu de Sucker Punch incarne une forme d’apogée du sandbox post GTA. Non moins sa révolution, ni même vraiment son évolution, qu’une progression sereine, aboutie, de cet idéal de liberté apparue avec la PS2 et grâce à Rockstar. Le principe tient à la fois à rien, et à tout, mais surtout à la virtuosité dont le jeu témoigne à chaque instant. A sa maitrise, évidemment technique, d’une mécanique rodée et transcendée par des idées visuelles que le gameplay soutient pour leur donner une plus grande évidence. Il y a dans Second Son comme une envie à la fois candide et réfléchie de pousser la simplicité presque naïve du plaisir à épouser toute la surface d’un open world. Une surface moins horizontale, et routière, que GTA, où la voiture est l’objet de toute la mobilité, que verticale, aérienne, où la ville devient celle du super héros sans gravité ; le jeu ne cachant pas son évidente parenté avec une tradition comics héritée des X-Men.
Super pouvoirs, et héroïsme, sont donc ici les tremplins à un jeu assumant pleinement un esprit teenage jusqu’à une certaine forme d’idiotie adolescente (son héros, rebelle, goguenard et tagueur, qu’on poussera vers le bien et le mal selon un cheminement joliment simpliste). Cette humeur, ce ton, force à accepter une intrigue balisée, faite de sidekicks génériques, d’un humour des années 90, et qui pourtant n’entrave jamais en rien le génie du jeu. Il en retire même plutôt ses forces, refusant toute véritable maturité narrative à l’heure où The Last of Us devient la norme. Cette absence d’ambiguité ou de complexité, jamais regrettable, offre au jeu une immense légèreté qui est aussi celle de son gameplay ascensionnel et libératoire. Un principe transfiguré par ces effets de matières ou d’ondes, à la fois stylisés et sidérants, où le corps devient fumée, néon, résidus d’images vidéo, pour se propulser dans les airs, gravir les buildings, éliminer des hordes d’ennemis venus écraser Seattle de leur botte policière. A l’heure du sérieux ou des open world aux allures d’hypermarché ludique (l’obésité des derniers Assassin’s Creed, au hasard), Second Son propose un retour à la pure efficacité, une progression jamais entravée, où à chaque étape, chaque nouveau pouvoir, l’euphorie monte un palier.
Tonique, rafraichissant, grisant, la complaisance ironique d’un Saints Row en moins et un rendu de folie en plus, ce nouvel inFAMOUS opte pour la tradition. Il préfère se concentrer sur un plaisir initial, concret et à la fois juvénile (jouir des pouvoirs, répéter le spectacle de leur utilisation), plutôt que lui greffer des ajouts qui, souvent, diluent l’essentiel. C’est aussi dans ce refus de se plier aux exigences du moment, à l’endroit où elles devraient pourtant toutes se réunir, que le jeu acquière une position presque insolite et étonnante. Sucker Punch opte pour la fluidité, l’aisance, la simplicité, traitant son gameplay à égalité avec son personnage pour ne garder finalement qu’une idée assez primitive dont on aurait pu se lasser, et qui pourtant est plus que jamais sublimée.