Vlambeer est assurément l’un des développeurs les plus fashionables du moment. Le gameplay néo-arcade frais et endiablé de leux jeux iOS comme Super Crate Box ou Ridiculous Fishing a rapidement transformé les Hollandais Jan Willem Nijman (game design) et Rami Ismail (programmation, business) en chouchous de la presse qui compte : Gamasutra, Edge, Polygon les adorent. Leur petit dernier était attendu, et il a été accueilli sous les vivats de la critique. Pourtant, si Luftrausers n’est pas forcément un mauvais jeu, il n’a pas su nous emmener au septième ciel.
La recette pour rendre irrésistible un jeu indé a été découverte en 2011 par Capy avec Super Brothers : Sword & Sorcery EP, et perfectionnée par Hotline Miami : on ne vend pas qu’un gameplay, mais aussi tout un emballage, une direction artistique originale et une bande-son soignée. Luftrausers s’emploie à suivre cette méthode de packaging, mais son esthétique nazi-chic sépia est d’un goût plutôt discutable : le coup des bannières où l’avion remplace la croix gammée, on a vu plus finaud comme manière de provoquer. Quant à la musique signée Kozilek, elle est plutôt entraînante, mais pas non plus inoubliable.
Sous l’emballage, Vlambeer nous propose un jeu plutôt simple, pour ne pas dire simpliste. Comme Ridiculous Fishing était le remake amélioré de Radical Fishing, Luftrausers est la version étendue d’un jeu flash crée en deux jours et sorti début 2011, qui a connu un franc succès. L’intention est louable, mais on est en droit de se demander si le prototype méritait un tel traitement, et surtout si le développeur est parvenu à trouver la structure adaptée à son shoot’em up. Le principe de base ne manque certes pas d’ingéniosité : aux commandes d’un avion expérimental, le Luftrauser, le joueur est libre de parcourir le niveau, afin d’enchaîner à sa guise des ennemis de plus en plus agressifs. Une stratégie peut consister à commencer par abattre les chasseurs pour faire monter une combo avant de se lancer à l’attaque en piqué d’un cuirassé, ou de tenter de dégommer un terrifiant zeppelin. Les contrôles se limitent à deux directions pour orienter l’avion et à deux boutons : l’un pour mettre les gaz, l’autre pour tirer – on ne récupère de la santé que lorsque l’on cesse le feu. Cela n’a l’air de rien, mais il faut beaucoup de doigté pour maîtriser les commandes, et il y a un plaisir arcadien par excellence à enchaîner les loopings, à utiliser le décrochage pour s’aligner sur la cible, à raser la crête des vagues, ou même à passer sous l’eau pour torpiller un navire.
Le problème c’est que Luftrausers n’a pas grand-chose de plus à offrir que ses contrôles. Si les chasseurs de scores trouveront leur bonheur à enchaîner les combos, le joueur qui n’a rien d’un as risque fort de s’ennuyer vite : les situations manquent de diversité, les ennemis sont finalement assez peu variés. Certes, en progressant dans la campagne, le joueur débloque différents éléments qui permettent de modifier drastiquement l’avion : un moteur plus puissant, des missiles, une armure qui permet de percuter les ennemis sans souffrir de dégâts… si ces modifications permettent d’envisager des stratégies fort différentes, elles n’empêchent pas que s’installe un sentiment de répétition. Les armes les plus exotiques sont amusantes, elles ne parviennent pas pour autant à empêcher de bailler. Alors que Ridiculous Fishing parvenait à imposer son délire, il y a cette fois-ci quelque chose de forcé dans la fantaisie, qui sent un peu trop la formule. Il faut dire que le mécanisme de progression par objectifs, déjà vu dans le Jetpack Joyride (iOS, 2011) de Halfbrick Studio, sent un peu trop le déjà-vu.
Luftrausers est un honnête passe-temps, comme il y en a des dizaines sur mobile. Comparé à Hotline Miami, TxK ou Spelunky, le dernier Vlambeer est un peu léger, il manque d’ambition ; il nous distrait, mais ne nous obsède pas. On est prêt à parier que dans la grande salle de l’arcade contemporaine, sa borne prendra vite la poussière.