« Fuck and kiss my ass ! », « Piss off fucking bastard ! », « Fuck’in piece of shit ! » Le ton est donné. Kingpin, on nous avait prévenus, ne fait pas dans la dentelle. Un tel buzz au States avant sa sortie qu’on s’en méfiait comme la peste à vrai dire. Voyez Quake II ? Xatrix lui a carrément pompé son moteur 3D, en y apportant quelques améliorations (rendu couleurs 32 bits, gouraud shading sur les personnages…). Vu qu’on mise un peu beaucoup sur la récup (une technologie sûre, un budget développement limité), il a fallu la jouer fine pour espérer attirer le chaland et faire parler du produit. En grande partie, tout dépendra donc du contexte. Dans ces conditions, et parce que finalement le genre s’y prête à merveille, Xatrix (à qui l’on doit déjà Redneck rampage et Reckoning, le premier add-on pour Quake II justement) opte pour l’ultra-violence dans les bas-fonds du Chicago des 30’s. En vérité, une ambiance rétro-techno archi-glauque. Tiens, prenez la plus louche des cités de la banlieue de Paname et flanquez-y des gangstas trapus, éméchés et mal fagotés en lieu et place des cailleras longilignes.
A coup sûr, et parce qu’on a clairement cherché ici les mentions « adult only » et « explicit lyrics », Kingpin a fait, et fera encore, parler de lui… d’où cette méfiance légitime au premier abord.
Et parce que l’on ne s’attendais pas à un gramme de finesse et d’intelligence, le premier essai, façon grand nettoyage, a plutôt mal été engagé : l’occasion de constater que les programmeurs n’ont certes pas lésiné sur l’aspect gore du soft -à la moindre embrouille, les giclées de sang sont légion-, mais le jeu tourne court. Grave erreur donc ! Méprise totale sur la marchandise. Figurez-vous qu’il s’agit non pas de jouer les brutos absolus, mais bien de parlementer et de réfléchir ! Car pour avancer dans le jeu, les protagonistes s’avèrent être d’une aide fort précieuse pour ne pas dire immanquable. Sachant qu’il y a trois manières d’entamer le dialogue, de la plus amicale à la plus hostile, à vous de voir selon les situations. Il faudra parfois aussi pratiquer le troc, fort couru dans le ghetto. Voire même enrôler quelques bonnes âmes s’il vous plaît ! Certains personnages sont effectivement prêt à jouer les gardes du corps si vous les rémunérer. Vous allez vite vous en rendre compte, il faudra à terme constituer un véritable gang que vous chapeauterez pour être en mesure de détrôner l’actuel roi de la pègre. D’ailleurs, c’est lui qui fait l’objet de la première scène animée (Kingpin compte un grand nombre de scènes intermédiaires narrant l’histoire), lorsqu’il demande à ses sbires de vous refaire le portrait sous prétexte que vous n’êtes pas un « bon élément ». C’est donc un tantinet défoncé que vous entamez l’aventure. Avec pour seule arme une pauvre barre à mine. D’où l’intérêt de ne pas trop faire le malin dans un premier temps. Là, il vous faut trouver une batterie pour utiliser une moto et filer rejoindre le « quartier respectable » des grosses pointures gangsta. Vengeance !
Franchement, Xatrix nous a totalement bluffé. Non seulement Kingpin est techniquement irréprochable, mais qui plus est, il apporte son petit lot de nouveautés non négligeables dans le genre quake-like malin (soit « half life-like » mais c’est moins facile à prononcer).
La simple balade dans les allées crasseuses, les pièces à moitié dévastées ou encore le cloaque convaincra le joueur le plus exigeant en matière de rendu graphique. Exceptionnel, tant dans les textures des décors (celles plaquées sur les personnages valent vraiment le détour !) que dans les jeux de lumières. On s’y croirait. Ceci, dans les 24 niveaux (7 épisodes) qui composent le jeu. Une foultitude d’objets sont éparpillés dans le décor : des caisses -certaines peuvent être déplacées, d’autres détruites- des munitions, des trousses médicales, des postes radio, des véhicules (motos, vieilles bagnoles désossées -dommage qu’on ne puisse pas s’en servir, vous ne pourrez piloter en tout et pour tout qu’un unique gyro-coptère), des armes (pistolet, fusil à pompes, mitraillette, grenades, bazooka et lance-flammes) et des protections (casque, gilet pare-balles). A noter que les gars de chez Xatrix ont poussé le détail jusqu’à modéliser des cigares, des douilles, des bouteilles de pinard plus ou moins éclatées, etc. Ces vicelards ont même prévu de nous faire tomber nez à nez avec quelques étrons fraîchement démoulus et autres serviettes hygiéniques usagées dans les chiottes cradingues de la ville. Manque plus que l’odorama. Dire qu’il faut se payer un micro à 10 000 balles pour voir ça !
Côté sons, là en revanche, c’est propre. La bande son est assurée par Cypress hill, dont on a extirpé quelques extraits du dernier opus Cypress hill IV (Checkmate, Lightning strikes, 16 men til there’s no men left… plus 2 inédits).
Mais l’exploit réside ailleurs, précisément dans l’intelligence artificielle. Xatrix a mis le paquet dans le cerveau des adversaires. Tant que vous débarquez arme rangée, ceux-ci ne vous cherchent pas des noises (sauf s’il s’agit d’énergumènes missionnés pour vous faire la peau, ça va de soi). Si vous déclenchez les hostilités, ils réagissent différemment en fonction du rapport de force. Un type avec son pistolet ne s’attardera pas trop sur votre cas si vous avez le bazooka dans les pattes, voyez… idem lors des combats, ces brutes ont l’art de se cacher et de réapparaître au bon moment. Plus malignes encore, mais pas moins hargneuses, sont ces « bitch » (salopes ou chiennes, oui –Kingpin, c’est un peu l’anti-Tomb raider crado-macho-misogyne finalement) tantôt seules et allumeuses, tantôt mal accompagnées.
Quoi qu’il en soit, ne manquez pas de dépouiller les cadavres, c’est le meilleur moyens de se faire quelques biftons facile. L’argent n’est pas du tout une fantaisie de plus dans Kingpin. Tout se monnaye, y compris quelques renseignements primordiaux et autres bons services rendus. Par ailleurs, des petits commerces parsèment la ville (bars, armurerie…).
Inutile de s’étendre sur les parties multiplayers, il y a ici de quoi secouer grave le cybermonde.
Ce sera tout ? Oui, il nous reste plus qu’à savoir si la traduction française du jeu ne lui fera pas défaut (comptez sur nous pour vous le signaler si tel était le cas).
Aucun doute, les férus d’Half-life apprécieront. Quant à savoir si Kingpin détrône le maître… pas évident. Estimons-nous simplement heureux de voir enfin débarquer un premier concurrent digne de ce nom.