Vous piaffiez d’impatience à l’idée de lire à nouveau Christine Angot, après Une Semaine de vacances qui avait marqué la rentrée 2012 ? Voici La Petite foule, un livre qui, placé sous les auspices des Caractères, consiste en une série de fragments-portraits, saynètes révélatrices, etc. Le dernier chapitre s’intitule « Les Oiseaux », et il devrait rabattre leur caquet à tous les vautours qui depuis tant d’années s’ingénient à dénigrer la romancière. Qu’on en juge par l’extrait qui suit. « Wi wi wi, wi wi WI, wi. Comme du cristal. Un autre : Trrr, trrr, trrr. C’est constant, c’est cristallin. C’est le fond. Un troisième : Twii, twiie, en montant sur la dernière. Encore un autre : Whou, whou ; whou, whou. Un cinquième : Houhoui. Le précédent reprend : Whou whou ; whou whou ; whou whou. Régulier, mais désordonné, car fulgurant, impromptu, et toujours cristallin. De l’eau pure. Le cinquième reprend, plus bas ; houi, houi. Le pépiement est multiple, il part dans tous les sens. Il y a plusieurs oiseaux ».
Génial, non ? Mais attendez la suite ! « Cui cui. Puis, comme un creux, ou comme un trou, encore un autre : Tri. Comme un marteau-piqueur qui vient de percer le ciel. Une seule fois. Les autres qui continuent : Wi wi wi, wi wi WI. Wi. Trrr, trrr, trrr. Twii, Twiie. Whou, whou ; whou whou. Hhoui. Cui cui. Ils se mélangent, ou alternent. Tri, le trou, le creux, les autres qui continuent, au bout de plusieurs secondes : tri, le creux, denouveau. Et le fond, toujours : Wi wi wi, wi wi WI. wi. Trrr, trr, trr. Twii, twiie. Whou, whou ; whou, whou. Houihoui. Whou whou ; whou whou ; whiou whou.Hhoui. Cui cui. Tri. Et : da da, da da, ou plutôt : tda tda, tda tda. Une seule fois. Et puis un autre, deux fois : rreu, rreu. Schrww, schrww, ou : top top. Mais votre préféré, vous l’entendez le matin : Flouou, flou-ouhou, flou, flouhou. Il arrête. Un autre : hou-ou ; ouhou : ahhouhou. Il recommence : Flouou, flou-houhou, flou, flouhou. Un dernier arrive, clôt l’ensemble, ramasse le tout : twii twi hi-ut ; twihi, twihi-uit ».
C’est ce qu’on appelle écrire de sa plus belle plume. C’est bien simple : on n’avait pas mieux imité l’oiseau depuis Isabelle Mergault faisant la tourterelle dans PROFS, le film de Patrick Schulmann. Christine Angot, en imaginant ces lignes, avait-elle en tête cette scène-culte ? Nul doute en tout cas qu’elle a dû se sentir pousser des ailes. Comme elle est adepte des lectures, on a hâte de la voir déclamer en public ces pages magnifiques, en battant des bras et en cherchant du grain sur la scène. Les spectateurs, qui auront fait le pied de grue des heures durant devant la salle, applaudiront à tout rompre, et les oiseaux de mauvais augure se retrouveront le bec dans l’eau. Christine Angot, grand écrivain ornithologique de notre temps ? L’hirondelle ne fait pas le printemps, mais la réponse est oui. Cui cui.