Un bon groupe de rock honnête et original, voilà une denrée aussi rare qu’une plage nudiste au Vatican. Un groupe de rock qui ne joue pas la carte des références kraut, garage ou post punk, bref, des marottes du moment. Un groupe qui n’a d’oreilles que pour la musique, qui ne jouit que de cela, sans trop se soucier de son plan de carrière ou de son image, et qui ne craint pas d’être ouvertement heureux et sympathique, au lieu de poser comme un collectif à la psyché complexe et aux ambitions démesurées (Arcade Fire), ou comme un groupe arty qui fait dans le second degré postmoderne (Phoenix).
Pretty and Nice fait partie de ces groupes qui ne tombent pas dans le piège de la hype, même s’ils étaient à deux doigts de s’y retrouver malgré eux. En 2006, ils sortent leur premier album, Pink and blue (self released), dont le rock aussi fun qu’abrasif ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd : deux ans plus tard, c’est chez Hardly Art (succursale de Sub Pop) que sort Get Young. Son rafraîchissant mélange de pop et de punk, déployé en dix morceaux aussi courts que variés, saturés d’une énergie communicative, a frappé l’oreille de quelques auditeurs qui sont tombés dessus : refrains imparables, paroles primesautières, rythmique ultra efficace. Bref, que des tubes. Puis, silence radio pendant presque cinq ans. Leur album suivant, Golden Rules for Golden People, est sorti l’an dernier, en catimini chez Equal Vision, et il est encore meilleur.
Menés par les deux chanteurs/guitaristes Holden Lewis et Jeremy Mendicino, le quatuor de Boston, originaire du Vermont, ne demande qu’une chose : faire plaisir en se faisant plaisir. Aucune ombre dans leur musique, uniquement motivée par le délice du jeu : chaque morceau respire la jouissance du musicien qui s’amuse à changer de rythme, de riff et de tempo en plein morceau, et de faire tout cela mine de rien, avec art et humilité, sans jamais chercher à épater la galerie. Le mot « brio » ne vient à l’esprit qu’au bout de plusieurs écoutes tant leur musique semble évidente malgré sa sophistication. Couplets, ponts et refrains ne sont jamais répétés à l’identique : le groupe en propose toujours une variante, que ce soit un accord joué différemment, un break qui se prolonge, une frivolité électronique par-ci, une excentricité vocale par-là. Deerhoof n’est pas loin – Holden Lewis ne nous donnera pas tort (voir notre interview). Mais un Deerhoof plus ouvertement pop. Supergrass n’est pas loin non plus – mais un Supergrass plus porté sur les brisures rythmiques et les arrangements fantaisistes. Pretty and Nice partage pourtant ce qui a fait la force des Anglais sur leurs deux premiers disques au moins : l’efficacité mélodique, la richesse des harmonies entre chant et guitares.
Quand on écoute la power pop très speed de « Q_Q », le drolatique « Critters », et ses ornements électroniques de bon goût, la fanfare pop-punk-retro de « Yonkers », ou les tubes incroyables que sont « Money Music » ou « New Czar », on ne souhaite qu’une seule chose : que jamais Pretty and Nice ne deviennent hype.