Pour ce premier roman, le canadien Matt Lennox s’appuie sur des bases solides : le retour chez soi et la rédemption, thèmes ultra classiques, et, pour une touche plus « roman noir », la sortie de prison du personnage principal, enfermé pendant deux décennies pour un crime dont on n’apprendra les détails que tardivement. La littérature nord-américaine fourmille d’intrigues de ce type d’intrigue, là réside le danger ; mais Lennox s’en tire plutôt bien et propose un roman d’ambiance, tout en nuances de gris. On se croirait dans Mystic River.
L’intrigue, en quelques mots : Leland King sort de prison et rentre chez lui pour assister à la fin de vie de sa mère. Chaperonné par un beau-frère religieux prosélyte, il trouve un travail de charpentier, et tente de se réinsérer. En butte aux préjugés des gens du coin, dent dure, esprit fermé, il est confronté à un échec après l’autre. Jusqu’à sombrer. En parallèle, on suit Pete, son neveu, dans sa tentative de fuir le marasme ambiant, et l’enquête du vieux Stan, policier à la retraite, qui voudrait tordre le cou aux idées toutes faites…
Lennox excelle dans le détail, avec le soin qu’il met à fouiller ses personnages. Tout en nuance de gris, donc. Rien n’est joué d’avance, et la question du texte reste celle du libre-arbitre. L’idée de fatalité est trop facile. Tout est question de choix, faits ou non, de décisions, prises au bon ou au mauvais moment. Tout est tendu, sur le fil, jamais serein. Il y a la peur, la honte, le regard des autres, la morale ambiante, la bien-pensance hypocrite.
Lennox, passé par la case militaire (il a été en mission en Afghanistan en 2008-2009), est venu au roman après des études de cinéma, par souci d’indépendance. La veine introspective lui ouvre de belles perspectives. Rédemption est un vrai roman noir, étouffant juste comme il faut. Un classique, parfaitement revisité.
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon.