Une base isolée dans l’Arctique, un virus qui se propage, des scientifiques dépassés par les évènements: tout cela rappelle fortement un chef-d’oeuvre réalisé il y a plus de 30 ans par John Carpenter. Quand SyFy annonce la production de Helix, série chapeautée par Ronald D. Moore, l’engouement est vite rejoint par la méfiance. Si Moore a livré une des plus grandes oeuvres télévisuelles de ces dix dernières années (Battlestar Galactica), on était en droit de tiquer sur quelques points. Déjà, parce qu’il n’avait pas su tenir les promesses de son opéra sci-fi en se perdant dans des intrigues confuses lors des deux dernières saisons, la faute à une writing room que Moore n’avait jamais vraiment su fédérer et où chacun la jouait perso sans que rien ne soit dissous dans une histoire cohérente. Et puis, il y a eu ce préquel/remake/reboot de The Thing écrit par Moore: le cynisme nous suggère que l’on voit dans Helix un simple recyclage de (mauvaises) idées ciné réinjectées à la télé. Il était inévitable de faire le parallèle avec le film de Big John mais la série s’en démarque finalement, notamment par son atmosphère.
Lorsque la production est lancée, le rôle de Moore est très vite réduit. Bien trop occupé à écrire sa prochaine série, Outlander, il intervient au final comme simple consultant auprès de Steven Maeda, véritable showrunner, l’auteur original de la série Cameron Porsandeh n’ayant pas encore l’expérience requise pour diriger l’écriture. Mais peut-on parler d’un choix audacieux en évoquant Steven Maeda ? Véritable mercenaire télévisuel ayant fait ses armes dans l’écurie de Chris Carter en signant des épisodes peu glorieux de X-Files, il s’est ensuite égaré dans bon nombre de séries du network aux qualités diverses mais tirant généralement vers le bas. Réunissant un pool d’auteurs venus de tous horizons, le résultat est limpide: aucune empreinte ne se dégage réellement, Maeda n’ayant pas su apposer sa marque, si tant est qu’elle soit un minimum significative.
Cette première saison laisse une nette impression d’étirement d’une intrigue somme toute basique où viennent se greffer des arcs aux intérêts inégaux. Reprenant à son compte le principe désormais éculé de 24 (“un épisode un jour”), Helix tente une mixture de ses thématiques. Partant d’une menace bactériologique, le spectateur voit débouler un drama puis un mystère si épais qu’il peine à se dévoiler, au risque de désintéresser le public … mais aussi ses protagonistes. Si le personnage principal, campé par Billy Campbell (toujours aussi juste et au capital sympathie inoxydable), essaie tant bien que mal de lutter contre le virus changeant les humains en vectors (sorte de zombies évolués au comportement versatile), il doit aussi faire face à un danger bien plus grand : l’humain.
En cela, la série propose une idée intéressante. Le principe du huis-clos a toujours permis d’accentuer les menaces et les obstacles à travers l’utilisation de ses personnages plus que par le motif originel de leur enfermement commun. Mais en surfant sur la vague de ces séries à mystère, Helix nous offre une galerie d’hommes et de femmes aux lourds secrets que l’on en vient à soupçonner n’importe qui des plus grands maux. Ce n’est pas le jeu lymphatique de certains des acteurs qui désavouera cette sensation.
La menace qui pesait dans The Thing était assez terrifiante en soi mais Carpenter avait poussé le spectateur dans les abysses de la peur en le confinant dans une atmosphère travaillée. Ici, le huis-clos se déroule dans un environnement très aseptisé et futuriste, si bien que l’effroi se voit atténué voire relégué à quelques saynètes inévitables. On peut y voir un aveu des auteurs. Il ne s’agit pas d’installer une peur latente, mais de narrer le comportement de personnages singuliers dans un contexte marqué par le sceau d’un danger mortel qu’il faut à tout prix confiner, parfois en sacrifiant des vies humaines. Les morts grotesques s’associent à des flashbacks et autres hallucinations kitschs pour plonger la série dans un climat de second degré parfois inattendu. À ce titre, l’utilisation de certains choix musicaux nous fait clairement comprendre que ces séquences ne sont pas vraiment sérieuses et que les pistes qui y sont présentées aux spectateurs ne sont que des leurres.
Le vrai problème de SyFy est de ne jamais aller au-delà de ses propositions de base. L’ambition est celle d’un gagne-petit, castrant la créativité de ses auteurs et réalisateurs faute de moyens suffisants. Plutôt que de jouer sur l’économie de moyens, la production préfère user de fonds verts périlleux et d’effets visuels parfois douteux, nous ramenant à l’esthétique de direct-to-video qui fait la joie des diffuseurs TNT. L’exemple du pilote est criant mais les épisodes suivant tendent à calmer l’emploi de ces outils bien trop synthétiques. Les réalisateurs sont de simples techniciens, n’arrivant pas à transcender le récit à travers une mise en scène élaborée. La gestion de l’espace est si maladroite qu’il est parfois impossible pour le spectateur de se projeter dans les différents niveaux de la base, pourtant symboliques des divers enjeux de la série.
La chaîne n’a pas encore confirmé la mise en route d’une saison 2 mais il serait facile de limiter Helix à une oeuvre sous-produite et manquant de prétention narrative. En soi, la série laisse entrevoir les promesses d’une histoire que l’on ne demande qu’à voir s’émanciper entre les mains un peu plus confiantes de ses auteurs.