Une telle diarrhée de séquelles, ça finit par agacer même les moins sagaces, par constiper le portefeuille des plus gros pigeons. Seulement voilà, avec Resident evil (Bio hazard*), on atteint la plénitude, le firmament, l’expérience limite entre le jeu et la quatrième dimension. Vous savez, cette dimension du temps irréversible qui caractérise si bien la réalité humaine. Avec Resident evil, le jeu vous bouffe rageusement le cortex et les sens qui vont avec. Le simulacre franchit un nouveau seuil, un nouvel apogée. Pièce maîtresse, motrice et matrice des jeux qui viendront bientôt fleurir, flâner et faner sur vos écrans de moins en moins pixellisés, et donc de plus en plus confondant de réalisme, Resident evil 2 creuse encore plus profondément le trauma inauguré par son prédécesseur. Une B.O ulcérante et tord-boyaux, des zombies plus vrais que nature -que la majorité des figurants de films gore-, des trucages infaillibles et des prises de vue imprenables, une mise en scène et un scénar basiquement stupéfiants, des images foudroyantes et glaçantes d’épouvante… En un mot comme en sang, la plus belle monstruosité du jeu vidéo.
D’aucuns blâmeront Capcom d’avoir laissé l’action prendre l’ascendant sur l’exploration et le casse-têtisme par rapport au premier. D’aucuns n’auront donc qu’à rejouer au premier du nom s’ils ne sont pas jouasses. Au passage, ce sont généralement les mêmes qu’on retrouve prêts à se plaindre qu’une suite s’éloigne de l’original ou qu’elle lui ressemble trop. Le procédé de double aventure -perso mâle/femelle- donne désormais lieu à un double CD. Davantage d’armes, d’objets, de machabés, de décors, de fureur, de finesse animo-graphique, de poudre, de technologie… Moins de frayeurs, pour les diplômés du numéro un, et de chargements, d’énigmatique, de panique ou de va-et-vient barbants. La série semble vouloir suivre le cheminement de la trilogie de Romero. Après sa Nuit des morst-vivants, Capcom nous sort son Zombie. Enchanté, d’autant mieux que la musique traîne même quelques accents et relents carpentérien (Halloween, The Thing, Prince of darkness) du meilleur effet oppressant. Epuisant de puissance. Spectacle tentaculaire.
* Parce qu’il y en a toujours qui ne suivent pas la cadence, Bio hazard est le titre nippon de Resident evil. L’inconvénient de cette version : hormis le titre et les dialogues parlés, tout est scribouillé en japonais (peu dérangeant pour cet opus 2). Le bon côté, c’est qu’elle est sortie avant toutes les autres éditions et qu’elle sort le grand jeu hémoglobinesque (les versions US et européenne sont amputées de quelques litrons).