Alors que nous pensions avoir fait nos adieux à Kenny Powers en fin de saison 3, Jody Hill et Danny McBride ont décidé de faire revenir le redneck nord-carolinien pour une ultime partie. D’ailleurs, ils n’avaient pas totalement assumé leur propre requiem puisqu’ils avaient déjà fait revenir Kenny d’entre les morts l’année dernière. Et celui-ci ne pouvait que se délecter d’imposer sa seconde venue de manière christique parmi les siens.
Les années ont passé, les enfants ont grandi. Kenny s’est assagi et exerce désormais la profession d’agent commercial pour un concessionnaire. Personne n’est dupe. La chemise proprette ne cache pas cette nuque longue toujours présente et ce regard vif nous rappelle que la bête sommeille encore et ne demande qu’à être réveillée. Et, comme toujours dans Eastbound and Down, ce sont les fantômes du passé sportif qui vont revenir à la charge. Kenny Powers est dépendant de la gloire, elle est son moteur. Les aphorismes – marques de fabriques de sa philosophie – ne sont plus dispensées sur cassette. Kenny Powers voit toujours plus grand, il a écrit son propre biopic. Il est à l’image de l’Amérique : bigger than life.
La réussite financière et sociale est l’obsession de ce personnage depuis cinq ans désormais. Être marié et père de deux enfants n’est pas assez pour lui et l’amour doit être entretenu par la dépense. Kenny Powers ne semble retenir aucune leçon du passé même si son comportement laisse penser qu’il a trouvé une certaine forme de contrôle. Pas question pour autant que les auteurs se retiennent. La série est toujours aussi irrévérencieuse et les gags racistes ou homophobes s’enchaînent dans un rythme méticuleusement calculé. Le moindre dialogue ou plan furtif est réfléchi pour déclencher des rires aussi gras que le gag originel.
Si le spectateur se gausse d’une atmosphère douteuse avec des vannes ayant dépassé toutes les limites, il est impossible malgré tout de ne pas y voir un regard tendre de la part des créateurs. De David Gordon Green (le touche-à-tout génial du ciné indé US) au duo McBride/Hill, il y une réelle volonté d’apporter la lumière sur ce Sud tant décrié. Certes, les défauts inhérents à une mentalité parfois conservatrice ne sont pas occultés mais les protagonistes (Kenny Powers en tête) restent des êtres réfléchis et aimants. En plein concept de l’americana, ils ont composé une certaine métaphysique du redneck.
Là où des séries comme The Sopranos, Dexter ou Breaking Bad se sont évertués à montrer des personnages sous un jour avenant en dépit de leurs actes, Eastbound & Down préfère étaler la bassesse humaine. Quitte à forcer le spectateur à gratter un peu et trouver une bienveillance en chacun sous un vernis sordide.
La série s’arrête donc au moment idéal. Avant de lasser et d’épuiser définitivement les ressources d’un personnage et de son univers délicat. Et laisse au spectateur un héritage singulier : la doctrine d’un penseur bas du front.