Une série policière dont le pilote commence, en 2013, par les premières notes de Sweet Dreams de Marylin Manson ne peut fondamentalement pas être bonne. Même avec Kevin Williamson, l’enfant terrible du slasher des 90’s, en showrunner. Même avec Kevin Bacon, dont l’air d’abattement constant ferait passer Kiefer Sutherland pour un joyeux drille du Saturday Night Live, en héros malgré lui. Même avec James Purefoy (Marcus Antonius dans l’inoubliable Rome) dans le rôle du grand méchant. Surtout pas avec ce dernier en fait, tant son personnage cristallise le naufrage créatif de cette énième variation sur le thème du tueur génial et stratège qui joue aux échecs avec un flic revenu de tout.
Le pilote démarre par l’évasion sanglante de Joe Carroll, serial killer pour femmes de son état, dont on feuillette le CV au fil d’une série de flashbacks soporifiques : écrivain foireux, prof de fac « charismatique », mari absent et fan d’Edgar Allan Poe (inspirateur de ses penchants morbides)… Le but de sa courte excursion hors de prison est de forcer le retour du flic qui l’avait coffré, Ryan Hardy (Kevin Bacon, désormais en préretraite) en s’offrant la dernière survivante de sa précédente série de meurtres. Les choses se compliquent quand il s’avère que Carroll a mis en place depuis sa cellule un réseau de tueurs chargés d’accomplir son grand œuvre. Il écrit ainsi un second roman grandeur nature, plaçant son flic et nemesis de prédilection en protagoniste et souffre-douleur principal. Et à chaque épisode d’accorder ses 15 minutes de gloire à l’un de ces détraqués fans de Poe que Carroll met en travers du récit et de la route de Hardy.
Dès que Williamson nous force à nous pencher sur la personnalité et les motivations de ces nobody endoctrinés vers le meurtre en série, c’est la gêne plutôt que le malaise ou la fascination qui prédomine. Du flic benêt qui s’entraine en dépeçant les chiens du quartier avant de passer à l’acte à l’étudiante complexée que les sourires mielleux de son mentor transportent loin de son existence ennuyeuse, difficile de s’attacher à ces losers ni magnifiques ni particulièrement écorchés par la vie. Un sentiment renforcé par une réalisation morne, bonne élève quand il s’agit de saisir des scènes d’actions mais jamais brillante dans l’exhumation du passé des protagonistes. L’art du flashback dans The Following se résume à une pastille d’ambiance énonçant avec des coupes de cheveux différentes (cohérence !), des propos et des actes dont on se doutait déjà.
Paradoxalement, et on tient peut-être là l’intérêt de la série, le spectateur trouvera un écho empathique à la critique de ce qu’il regarde dans le personnage de Ryan Hardy. Lui aussi est un peu fatigué, trop vieux pour ces conneries. Le visage marqué par l’alcool, le regard perçant mais suppliant qu’on l’éteigne, Kevin Bacon trimballe sa carcasse d’un plan à l’autre et impose sans effort une présence forte et douloureuse. Lui aussi aimerait bien que tout s’arrête. Mais The Following et son mastermind en ont décidé autrement. Ce pitch qui nous apparaît dès le départ comme une très mauvaise idée prend au fil des épisodes une tournure réjouissante à la faveur d’une belle progression vers le n’importe quoi (un meurtre en pleine rue à l’essence à Zippo par un disciple déguisé en Edgar Allen Poe, ou une brillante tentative d’assassinat par imposition d’aimant sur pacemaker). Il faut encore voir le rictus idiot affiché par un Joe Carroll extatique, théâtral jusqu’au ridicule, à chaque coup d’éclat de son armée de bras cassés. Lui qui, depuis sa prison, se rêve génie du mal ne fait que répéter in real life son destin d’écrivain raté. The Following est autant à son image qu’à celle, pseudo-iconique, du masque en latex dérisoire d’Edgar Allan Poe : prétentieuse, bancale (des scènes d’action réussies) mais pas avare en dérapages grotesques et en atermoiements sentimentaux pathétiques.