Il manque quelque chose à Gangster Squad, mais quoi ? Ce n’est pas que le film laisse à proprement parler un mauvais souvenir : il n’a rien de raté. Pour Gangster Squad, même, tout va bien, c’est un petit film en bonne santé. Ce qui est plus embêtant, mais sans l’être vraiment non plus (parce qu’on sent bien que Ruben Fleischer pense son film comme une série B consommable rapidement, jetable aussitôt), c’est que ce film aurait tendance à ne laisser aucun souvenir du tout.

 

Nick Nolte joue un chef de la police – on s’en souvient parce que même dans ses seconds rôles les plus discrets, Nick Nolte reste un grand acteur. On se souvient aussi que l’histoire se passe dans les années 40, parce qu’il y a des mitraillettes à tambours, et tout un travail de reconstitution assez soigné. Tiens, Sean Penn nous revient d’un coup à l’esprit : c’est un truand, un truand que traque Nolte, on s’en souvient grâce à ses moues et ses plissements frontaux qui lui donnent l’air d’imiter De Niro comme José Garcia. De là, on reconstitue l’histoire : pour mener à bien cette traque, Nolte engage une poignée de superflics, à savoir Brolin, Gosling et les autres. Dont Robert Patrick, l’une des rares saillances du film, parce qu’il joue le rôle d’un as de la gâchette ridé, bouffi d’alcool, travaillé par la vieille Amérique, intéressant contrepoint au rôle qui lança et aussitôt brisa sa carrière : le personnage lisse, tranchant, froid et futuriste du T-1000.

 

Mais alors, que manque-t-il à Gangster Squad ? Des blagues. C’est ce qu’il est possible de comprendre en voyant les deux précédents films de Ruben Fleischer, à savoir l’excellent Bienvenue à Zombieland, réalisé en 2009, et le plutôt bon 30 minutes maximum, cantonné au direct-to-dvd. Jusqu’ici, Fleischer n’avait abordé le film de genre que dans un amalgame plus ou moins dense avec la comédie. Si Zombieland était une petite merveille d’équilibre entre le film de zombie et la comédie appatowienne, 30 minutes maximum basculait, depuis les bases du film de braquage, dans la comédie pure ; le film décevait un peu mais il était drôle. Il existe une chimie fleischerienne : en dessous d’une quantité d’humour, la solution flocule, le film rate.

 

Visant la série B de base, Fleischer fait cette fois passer la comédie au second plan, pour ne la travailler que sur le mode du pince-sans-rire. Tout le film, dans son style même, est pince-sans-rire. Double problème : d’une part Gangster Squad affecte beaucoup trop la gravité et l’élégance (de ses plans comme de ses personnages), c’est-à-dire maquille à l’excès ce qu’il a potentiellement d’inconséquent et drôle. D’autre part les scènes d’action pure, qu’il vise aussi, s’affadissent à cause d’un sous-texte plus léger non assumé. Outre la prestation insituable de Sean Penn, entre actors studio et grotesque de cartoon, il faut voir la première scène, l’écartèlement d’un pauvre hère entre deux Cadillac, parce qu’elle résume le problème. Fleischer filme l’écartèlement mais de très, très loin. Pendant une seconde on se dit que c’est à la fois gore et gaguesque, et puis on comprend vite que tout simplement, ce n’est ni l’un ni l’autre. PH neutre. Ruben Fleischer est peut-être encore en phase expérimentale, variant ses dosages, s’essayant à tout – ou bien est-il d’ores et déjà lancé, ce qu’on ne lui souhaite pas, sur la carrière du faiseur standard. La suite nous le dira.