Rentrée TV 2012 : le pilote de Last Resort, nouvelle série de Shawn Ryan (le gars de The Shield, et c’est à peu près tout de recommandable), met tout le monde d’accord. Son pitch est imparable : l’équipage de l’USS Colorado, au mauvais endroit au mauvais moment, fallacieusement accusé de haute trahison pour avoir désobéi à un ordre étrange, se rebelle contre le gouvernement américain et devient la nation indépendante la plus petite et la plus nerveuse du monde avec ses dix-huit têtes nucléaires prêtes à l’emploi. Son mélange de film de sous-marin meets un cauchemar délirant de Tom Clancy meets un méga complot gouvernemental que même Fox Mulder et Jack Bauer ne pourraient contrecarrer est tout de suite convaincant. Last Resort a tout pour plaire sur le papier et le pilote le concrétise avec un script prenant, une réal carrée et de bons acteurs. Andre Braugher s’impose même comme une sorte de Denzel télévisuel tirant le tout vers le haut. Pour peu, on a envie de se croire revenus à la grande époque de 24 et Prison Break.
Mais voilà : un mois et quatre épisodes plus tard, on est redevenus athées. Les audiences dégringolent et on n’attend qu’une chose: que la série soit annulée. Ca ne traîne pas, mais on a droit à treize épisodes et même une vraie fin. Le drame de Last Resort, c’est justement d’avoir été conçue comme une série quand le concept n’était pas propice au feuilleton. Si le premier épisode met la pression, ça retombe dès le suivant pour très vite se mettre à temporiser, tirant sur la corde sans qu’il ne se passe quoi que ce soit de vraiment intéressant en trois quarts d’heure. Du drama sans drama pour une série schizophrène oscillant entre grand thriller et procedural barbant. Pas très crédible lorsqu’on voit le capitaine Marcus Chaplin mettre un coup de pression aux tout puissants Etats-Unis d’Amérique, les menaçant de leur balancer une ogive nucléaire dans les dents pour ensuite se faire rançonner par un malfrat local comme s’ils étaient dans une cour de récré. Et ça l’est encore moins lorsque la sous-intrigue de pacotille s’étend sur plusieurs épisodes. De même, voir l’équipage fêter Thanksgiving sur l’île avec les locaux ou picoler dans une fraternité Benetton finit par nous rappeler au bon souvenir de Lost, mais l’univers ne s’y prête pas. On en vient à regretter que Last Resort ne se soit pas contentée d’être un petit thriller de série B ou une mini-série qui aurait fait honneur à l’idée de départ.
Reste qu’une fois le destin de la série entériné par ses producteurs, elle reprend du poil de la bête. Ce n’est pas parfait, loin de là. Avec cinq épisodes sous le coude pour conclure, la série n’a plus le temps d’économiser ses cartouches pour des saisons qui n’existeront jamais. Elle fait une croix sur ses aspects les plus bateaux et se recentre sur son pitch initial. Dès lors, chaque épisode devient un petit film d’action généreux, carré et efficace. Scénaristiquement, ce n’est ni pire, ni plus mauvais qu’une (mauvaise) saison de 24. Tandis que les défauts subsistent, l’histoire a le mérite d’avancer comme un bulldozer. S’approchant de plus en plus de sa conclusion, Last Resort applique une politique de la terre brûlée et ne recule devant aucune absurdité, comme Prison Break dans le temps. Pêle-mêle : des amiraux sortent les flingues, l’armée Pakistanaise imite un groupuscule terroriste tandis que le second du sous-marin, accompagné d’un SEAL, se la jouent black ops sur le continent. Plus fou encore, même les personnages deviennent intéressants. Aucune énormité, aucune incohérence, aucun raccourci ne seront assez gros pour empêcher la série de s’achever.
Et Last Resort s’achève dans un grand n’importe quoi qui fuse. Pas le temps de réfléchir à ce qu’il se passe. Alors que nous pensions être devant un Prison Break naval, la série ose nous entraîner plusieurs degrés au delà dans la folie et l’incohérence. Le spectacle en devient même divertissant comme un Bruckheimer de l’âge d’or. Imaginez USS Alabama, jusque dans les cadrages et la photo, mais avec un troisième chromosome 21. Malgré ses handicaps divers et ayant fait le deuil de son échec, la série tient à partir avec les honneurs. Si l’orchestre du Titanic a continué de jouer pendant le naufrage, les gars de Last Resort se sont décidés à faire parler les AK47 pendant le leur. Le final de Last Resort, c’est le fameux suspension of disbelief poussé à son paroxysme : fusillade en plein sous marin, complot elliptique devenant nébuleux, trahisons dans la trahison (dans une autre trahison) pour des monceaux de cadavres et une conclusion expédiée en trente secondes. La classe. En fin de compte, c’est une série courte et étrange, au potentiel rarement exploité mais dont le pilote, le final et un ou deux épisodes ici et là auront su nous faire vibrer comme ce n’était pas arrivé depuis les grandes heures de Jack Bauer et Michael Scofield. Tout cela en nous prenant un chouia pour des demeurés, quand même.