Quand on a appris que le remake de Maniac, chef-d’œuvre de William Lustig (1980), serait réalisé par Franck Khalfoun, on s’est légitimement inquiété. A cause d’une bête histoire de parking : 2e sous-sol. Déjà réalisé par Khalfoun, déjà produit par Aja, situé dans un parc de stationnement, le film, en 2007, était une tentative d’objet de pure mise en scène, sans excédent narratif, une sorte d’improvisation sur espace et tempo. Problème : la mise en scène, justement, amorphe, affreuse, complètement ramollie – plutôt que 2e ! sous-sol, on pensait 3e dessous.

 

Or, s’il reste loin, très loin derrière l’original, ce Maniac 2012 est une vraie bonne surprise. Grâce à une idée très simple, et plutôt bonne : la mise en scène étant susceptible de poser des problèmes, on lui a posé une base, on lui a offert un tuteur. Le cadre, ce serait le personnage du maniaque lui-même, son point de vue sur le monde. La caméra serait subjective. Beaucoup de plans-séquences, une réalisation nature. La plume guiderait la caméra, et le personnage, en quelque sorte, filmerait. Le film serait son vice, le drame viendrait des yeux. Tout deviendrait snuff. Un plan de rue déserte deviendrait snuff. Une conversation deviendrait snuff. Tout cela, dans le film de Khalfoun, fonctionne, en un système qui permet d’assurer à l’épouvante une tenue minimum. C’est dans ce minimum visé, cette humilité d’exécution, ce refus de l’ambition large que Maniac 2012 trouve son salut.

 

L’exposition, tout en plans-séquences, est très belle (le maniaque cherche à séduire une femme contactée sur Internet). On mesure à cette occasion que la véritable épouvante de ce remake, c’est la durée. Plus la femme s’attarde dans les yeux, plus elle se laisse, sans le savoir, travailler par le cerveau du tueur. C’est une sorte de pesanteur croissante du hors-champ, qui peu à peu, métamorphoserait la réalité en fantasme. Autre vertu de la caméra subjective : à cause de cet œil qui transforme le monde en rêve, c’est-à-dire qui l’extermine, le maniaque est d’autant plus pathétique qu’il se retrouve coupé de tout. C’est une espèce d’ermite hypermoderne, enfermé dans son moi. Toutes les femmes du monde deviennent sa mère – car évidemment, derrière tout ça, il y a un trauma d’enfance). La beauté tragique du film, c’est qu’on finit par devenir intimes surtout avec une douleur, qu’on pourrait décrire comme une perpétuelle sensation d’écrasement : le cadre imprime les images du dehors (le monde) et les images du dedans (le cerveau) sans qu’on ne parvienne plus à les distinguer. Alors quand il arrive que le maniaque se regarde dans la glace, et qu’on voie son visage, visage absent à lui-même, complètement paumé, on a la vision d’une maladie en forme de labyrinthe. Comme une évocation d’infini, mais contenue dans une figure humaine. Assez lugubre, donc, et pas loin d’être émouvant.