Huit ans après son premier disque « solo », le très beau « Bavarian fruit bread » qui nous la dévoilait, à la ville comme à la scène, aux bras du batteur de My Bloody Valentine, la discrète sirène américano-mexicaine donne suite aux noirs songes psyché-folk-bab d’Hope Sandoval & The Warm Inventions.
L’album s’appelle Through the devil softly. Dans son genre, ultra léthargique, voluptueux, vespéral, c’est un sommet (sommeil ?). Tout autiste qu’elle est, accompagnée de son valentin Colm O Ciosoig et du groupe Dirt Blue Gene, Hope viendra le défendre le 4 novembre au Café de la Danse. Elle sera cachée derrière ses paupières, sa beauté et son xylophone. On n’en demandait pas tant mais il parait même qu’il serait question d’un quatrième album de Mazzy Star, le groupe culte qu’elle forma entre 90 et 96 avec son ex (« mentor »), David Roback. Elle et lui continueraient de se voir, en amis, et composeraient à l’occasion. Avec tout ça, à notre grande surprise, le 25 août dernier on eut la chance d’être parmi les deux journalistes français qui allaient pouvoir s’essayer à faire parler, par téléphone, cette belle Hope Sandoval connue pour être muette les pierres. 20h03, le téléphone sonne.
Chronic’art : Bonjour Hope !
Hope Sandoval :Bonjour. >Comment allez-vous ?
Bien, et vous ?
Ah. Où êtes-vous ?
En Californie.
C’est là que vous vivez ?
Oui.
Ok. Je voudrais tout d’abord que vous me parliez un peu de Colm O Ciosoig. Depuis le break discographique d’avec Mazzy Star, qui reposait sur votre duo avec David Roback, c’est avec lui que vous sortez des disques sous l’intitulé Hope Sandoval & the Warm Inventions. Il est connu pour être batteur de My Bloody Valentine. Mais j’imagine que sa carrière ne se résume pas à ça. Pouvez-vous donc me le présenter plus en détail ?>
Euh, que veux-tu savoir ?
Hé bien qu’a-t-il fait à part être batteur de My Bloody Valentine ?
A part ça il a eu d’autres projets mais la plupart se sont faits avec moi. On se connaît depuis près de 12 ans, depuis qu’il s’est installé à San Fransisco. Ca fait donc 12 ans que nous faisons de la musique ensemble.
Comment vous êtes-vous rencontré ?
On s’est rencontré dans un club à Londres. Je savais qu’il était-là. Je serais bien aller le voir car je suis fan de son jeu de batterie. Je me suis toujours dit que ce serait super qu’on puisse jouer ensemble. Mais comme je ne savais pas du tout à quoi il ressemblait, j’ai attendu qu’une tierce personne se charge de me présenter à lui.
Vous étiez donc fan de My Bloody Valentine ?
Oui !
Vous continuez à aimer ce groupe ?
Ca fait des années que je ne les ai pas vu jouer. Depuis leur concert au Roxy de Los Angeles au début des années 90. Mais je suis une fan absolu de Colm O Ciosoig.
Vous composez toujours vos disques en duo avec des hommes. Pourquoi ?
Personne ne fait d’album seul, tout le monde travaille avec d’autres gens. Chez moi on le surligne juste plus que chez d’autres parce que je suis une femme. Mais voilà, je ne suis pas différente. J’ai toujours travaillé avec d’autres gens et je le ferai toujours.
Sur quoi repose l’alchimie de votre association avec Colm O Ciosoig ?
En plus d’être de très bons amis, nous avons musicalement des goûts très proches. Ca nous permet de bien travailler ensemble.
Composes-tu avec Colm de la même manière que tu composais avec David ?(A ce moment-là je bascule sans raison apparente du « vous » au « tu », mentalement du moins).
Hum… oui mon processus de composition n’a pas trop changé, si ce n’est que je joue plus de guitare avec Colm que je n’en jouais avec David, parce que dans Mazzy Star David les faisait presque toutes.
Avec Colm tu as plus de liberté de création que tu n’en avais avec David ?
Non, ce n’est pas ça, car je ne me sens jamais libre quand je joue de la guitare. Mon piètre niveau de jeu ne me le permet pas. Mon rapport à cet instrument est donc plus de l’ordre de la nécessité que du plaisir. C’est un passage obligé pour écrire mes chansons. Après j’ai toujours besoin de quelqu’un de plus doué pour jouer ça proprement.
Dans Mazzy Star tu apparaissais tellement comme la belle chanteuse à voix de rêve qu’on a du mal à t’imaginer en tant que pure songwriteur. En fait c’est comme si les instruments n’étaient pas de ton monde…
Pourtant je pense que certaines personnes connaissent mon rapport aux instruments. En tous cas ceux qui sont venus à mes derniers concerts savent que je joue de plusieurs instruments en plus de la guitare.
C’est-à-dire ?
De l’harmonica, des percussions, du clavier.
Te souviens-tu de ton premier contact avec la musique ?
Non, je n’ai pas de souvenir de ce genre. J’ai toujours aimé la musique. Elle a toujours été là.
Ta famille en écoutait beaucoup ?
Oui.
En 20 ans de carrière tu n’as sorti que 5 disques, 3 avec Mazzy Star, 2 avec The Warm Inventions. C’est peu. Mais la musique est-elle omniprésente dans ton quotidien ?
Hum, oui, elle est très présente.
C’est-à-dire ? Es-tu par exemple du genre à composer chaque jour ?
Non, je n’ai pas de discipline, je me contente de composer quand je sens que j’ai une mélodie qui me vient, un air, quelques mots. Alors je file à mon home studio pour fixer ça et voir où tout ça va me mener.
Composes-tu à partir de la musique ou des mots ?
Je n’ai pas de recette. Ca dépend.
Ecris-tu autre chose que des chansons ? Je ne sais pas, des nouvelles, des poèmes par exemple ?
Non.
As-tu d’autres passions que la musique ?
Oui.
Lesquelles ?
Plein de choses. Comme beaucoup de gens je fais plein de choses.
Tu ne me diras pas quoi ?
Ta curiosité me fait rire.
Bien.
(Petits rires mutins. Elle s’absente deux minutes, revient…) Excuse-moi si jamais la communication coupe court de manière abrupte mais j’ai un problème de batterie.
Ah, d’accord. Je parlais de ton chant, langoureux. De nombreux groupes l’ont sollicité pour qu’il vienne magnifier leurs morceaux. Parmi eux il y a eu quelques groupes électro comme The Chemical Brothers, Air, Death In Vegas. Ecoutes-tu ce genre de musique ?
Je ne connais pas vraiment les Chemical Brothers. Mais quand ils m’ont envoyé ce morceau, Asleep from a day j’ai trouvé ça si beau que j’ai voulu chanter dessus, j’ai donc accepté.
Through the devil softly est donc ton deuxième album en tant que Hope Sandoval & the Warm Invention. En quoi diffère-t-il de son prédécesseur, Bavarian fruit bread ?
Sur la moitié de l’album nous avons fait appel à un groupe que j’adore : Dirt Blue Gene.
C’est donc eux qui font les arrangements des deux titres les plus psychés inquiétants de l’album, For the rest of your life et Sets the blaze ?
Oui.
A part ça, l’album reste globalement assez folk, non ?
Je pense que tu le définis comme folk par facilité car le folk est un genre de musique très populaire qui regroupe plein de musiques différentes. Beaucoup de journalistes font ça. Mais ça ne me dérange pas. Je fais le même genre de musique depuis que j’ai 17 ans et à chaque fois que je sors un disque on le qualifie de country, folk, psychédélique…
En même temps, aujourd’hui, j’ai le sentiment que ta musique a changé, qu’elle est plus sobre que celle que tu faisais sous Mazzy Star. Moins psycho, plus candy. J’ai d’ailleurs entendu certains de tes fans dire que tes chansons étaient devenues ennuyantes sans David Robak à tes côtes. Que leurs répondrais-tu ?
Qui a dit que ma musique était ennuyante ?
Des fans de Mazzy Star.
Certains de tes amis ?!
Oui.
Je ne sais pas quoi leur dire si ce n’est qu’ils ne sont pas obligés d’écouter mon disque. Ils n’ont pas à se contraindre eux-mêmes à l’ennui (petits rires mutins) !
Dans tes chansons, par contre, une chose n’a pas changé, c’est ton chant. Malgré les années, il procure toujours le même trouble, juvénile, sombre… Comment l’expliques-tu ?
Je ne suis pas d’accord. Je ressens que mon chant a changé.
Ah… En tous cas, à la différence de beaucoup de chanteuses folk, genre Alela Diane, ce qui t’éloigne d’ailleurs du folk pur et dur, ton chant véhicule quelque chose de très sexy et noir à la fois. As-tu conscience de ça ?
Des gens disent ça. (Silence).
Tu en joues de ce côté sexy ?
Je n’en ai pris conscience qu’à partir du moment où on a commencé à me faire cette réflexion.
Tu ne vois donc pas que ta façon de chanter est devenue un canon, qu’elle a fait école ?
Non. Encore une fois, les gens disent ça, mais moi je n’ai pas d’idée là-dessus.
Connais-tu Sarabeth Tucek ?
Non.
Toi, quelles étaient tes influences quand t’es vraiment mise à chanter ?
Mes influences c’étaient les Rolling Stones, Billy Holiday… Mon téléphone est en train de rendre l’âme. (Petits rires mutins). Ca va bientôt couper.
D’ac. Connais-tu Julee Cruise ? Je trouve qu’il y a des accointances entre son chant et le tien, son univers et celui de Mazzy Star…
Qui ?
Julee Cruise. Elle est connue pour avoir chanté sur la BO de la série Twin Peaks.
Non, je ne connais pas.
Bon. Il est dit dans la bio de Through the devil softly qu’un nouvel album de Mazzy Star est lancé et devrait bientôt voir le jour. Qu’en est-il ? Et pourquoi avoir attendu si longtemps avant de vous remettre au travail avec David ?
David et moi… on habite maintenant différent pays… Ecoute, je ne veux pas que tu le prennes mal mais mon téléphone va vraiment rendre l’âme d’une seconde l’autre. J’ai tout simplement oublié de le recharger et je n’ai pas le chargeur sur moi.
Dernière question alors : j’ai appris que tu venais de collaborer avec Massive Attack pour leur nouvel Massive Attack. Peux-tu me parler de ça ?
Je ne sais pas quoi t’en dire. J’ai effectivement fait un morceau avec eux mais je ne sais pas du tout ce que ça va donner. Je ne les ai même pas rencontré, ils m’ont envoyé un morceau via leur manager, j’ai posé quelques lignes de chant dessus et je leur ai renvoyé le morceau via mon manager, et voilà, je ne sais pas ce qu’il va en sortir.
Propos recueillis par
Hope Sandoval & The Warm Inventions – Through the devil softly
(Nettwerk)