Entré chez Capcom comme programmeur sur le premier « Resident evil », Hiroyuki Kobayashi a rapidement gravi les échelons de la société japonaise pour s’imposer en producteur phare. Aujourd’hui, les joueurs le connaissent principalement pour son travail sur « Resident evil 4 » ou sur « Killer7 » en compagnie de Suda 51. De passage à Paris, il a bien voulu nous accorder une interview pour discuter des origines de la série phare de Capcom, « Devil may cry », et du développement de l’épisode 4, aujourd’hui disponible (lire notre test).
Chronic’art : A l’origine, Devil may cry devait être le quatrième épisode de Resident evil. A quel moment du développement avez-vous décidé d’en faire une franchise à part entière et pour quels raisons ?
Hiroyuki Kobayashi : On essayait de faire un Resident evil dans les règles de l’art mais on a fini par dévier au point que ça ne ressemblait plus du tout à Resident. Du coup, on s’est dit que nous pouvions tout aussi bien changer de nom et faire un autre jeu. Je ne me souviens plus exactement à quel moment ça s’est passé, j’étais déjà producteur, c’était aux alentours de fin 99, début 2000…
Mais c’était une question d’ambiance, de capacités du personnage ?
Déjà, un point que je voudrais éclaircir, c’est qu’il n’y a eu aucune influence entre Devil may cry et Resident evil 4. Quand nous avons travaillé sur ce Resident evil abandonné, nous voulions faire en sorte que le héros du jeu soit sous l’emprise d’un virus qui le transforme en entité surhumaine. Du coup, il devenait invulnérable, il pouvait sauter très haut, tirer avec deux pistolets… Mais au fur et à mesure qu’on développait l’histoire et le personnage, on se disait « Mince, ça n’a vraiment plus rien à voir avec Resident evil ». A ce stade, on avait déjà le personnage de Dante, le système de doubles flingues et le décor du château, qui était à peu près établi.
Les bases du moteur physique de Devil may cry ont certaines particularités bien connues : le héros peut rester en l’air très longtemps et les juggles sont extrêmement longs. Comment se déroule la création d’un moteur de combat ? Qui en est directement responsable ?
Hmm, c’est compliqué… Le poste dévoué au responsable du système de combat a été occupé par différentes personnes d’épisode en épisode, il n’y a pas une seule personne responsable de tout le système de combat de Devil may cry. Si vous voulez une anecdote, dans le cas du premier Devil may cry, on n’avait pas prévu de le faire flotter dans l’air dès le départ. C’est une idée qu’on a intégré au jeu juste avant la fin du développement. On avait des super sauts, l’épée, tout le reste, et l’idée est apparue de façon soudaine. Donc on s’est démenés comme des fous pour intégrer cette notion dans le jeu. Pour Devil may cry 4 (DMC4) on a utilisé un moteur interne à Capcom pour développer sur PS3 et Xbox 360 à partir du PC. En ce qui concerne le développement du 4, l’équipe était composée de 80 à 90 personnes. Il y avait un responsable de Dante, un autre pour Nero, un autre pour les ennemis… Le marché du jeu vidéo a beaucoup évolué et les deux démarches sont vraiment différentes, c’est difficile à expliquer en quelques mots… (le moteur dont parle Mr Kobayashi est le MT Framework, la plate-forme interne utilisée par Capcom sur ses jeux de dernière génération. Il s’agit d’une plate-forme de développement PC qui permet de porter facilement les titres sur 360 et PS3, une pratique plutôt rare chez les développeurs japonais qui ont l’habitude de travailler sur le hardware d’une machine spécifique avant de porter le jeu vers une autre plate-forme, ndlr).
Le jeu possède plusieurs similarités avec le VS. Fighting, il nécessite beaucoup d’entraînement et fait appel à des techniques similaires, comme les juggles ou les cancels. Avez-vous déjà envisagé de transposer le jeu en arcade ?
Non, nous avons toujours envisagé la série pour les consoles domestiques. Une chose est sûre, si jamais cela devait arriver, il faudrait modifier le gameplay en profondeur.
DMC4 a bénéficié d’une démo sur Xbox Live et PSN qui est semblable à celle présentée dans les grands salons du jeu vidéo. Avez-vous procédé à des modifications suite aux premiers retours des joueurs ?
Je ne me souviens plus exactement de la date et ce n’est pas directement lié au TGS, mais nous avions convié la presse internationale pour jouer au jeu dans les locaux de Capcom et prendre des notes. Par exemple, nous avons modifié le comportement de Berial car les joueurs avaient beaucoup de mal à le battre et le trouvaient trop difficile. On a un peu baissé sa difficulté. Au niveau timing c’était parfait, on était justement en train de bosser dessus.
Comment avez-vous approché l’aspect online de cet épisode de Devil may cry ? Avez-vous réfléchi à la possibilité d’intégrer un système de partage vidéo dans le jeu ?
On s’est dit que ce serait une bonne idée d’avoir un peu de compétition entre les joueurs, on a donc intégré un système de classement. Le PS3 Network comme le Xbox Live permettent ce genre de fonctionnalités. Quant à l’idée de partage vidéo, elle me plaisait énormément et j’aurais voulu la mettre sur pied mais les aléas du développement ont fait que ce n’était pas possible. Je sais qu’il existe beaucoup de vidéos sur les sites de partage comme YouTube. J’en ai vu quelques unes mais c’est surtout les gars de l’équipe qui m’en parlent. Ca ne me dérange pas quand il s’agit de belles vidéos, avec des gens qui savent jouer. Par contre, quand ils se contentent de montrer deux combos tout nazes réalisables par n’importe qui, ça me plaît beaucoup moins étant donné que ça donne l’impression que le jeu est mauvais. Dans ces cas-là, je clique sur le drapeau de la vidéo pour essayer de la faire retirer (rires).
Pouvez-vous nous expliquer comment est née l’idée du Devil Bringer ?
On cherchait de nouvelles actions avec l’équipe de planning et le réalisateur, Mr Itsuno. On se demandait comment rapprocher l’ennemi du personnage quand celui-ci avait volé un peu trop loin. L’idée du bras vient en fait d’un autre jeu, nous l’avons prise et intégrée dans DMC4. Nous avons ensuite développé cette idée de bras démon pour que la mécanique soit raccord avec le scénario. Je ne peux pas vous dire le titre exact du jeu. C’est un jeu de combat qui contenait cette idée de pouvoir agripper cet ennemi et le ramener. Finalement, ils ne l’ont pas utilisé, nous l’avons donc reprise à notre compte.
Pour finir, est-ce que vous avez un conseil à donner pour les gens qui auraient du mal avec les Blitz ?
Aaaah… J’ai bien envie de vous renvoyer vers la page du jeu qui vous donnera pas mal d’indices. Bossez votre japonais ! Plus sérieusement, la principale qualité de Blitz est sa rapidité. Il n’y a pas de secret : identifiez ses patterns et apprenez à manier les trois formes de combat, sabre, arme à feu et Devil bringer. Vous devriez vous en sortir (les lecteurs qui souhaitent en savoir plus peuvent toujours se reporter aux sites de vidéo en ligne, ndlr).
Propos recueillis par
Lire notre test de Devil may cry 4