Après leur concert « Mariachi » aux Trans Musicales de Rennes 2002, rencontre bonne enfant avec Joey Burns et John Convertino à l’occasion de la sortie de Feast of wire. Des cow-boys détendus.

Chronic’art : On a senti que ce concert était assez particulier par rapport a vos concerts « normaux » ?

Joey : C’était une occasion spéciale, c’est pour ça qu’on est passé ici. Avoir la possibilité d’emmener les mariachis Luz De Luna avec nous nous a motivé, j’aime l’idée que c’était pour un concert spécial. C’était encore plus spécial avec Françoiz (Breut) et Mike Watt. Si on avait eu plus de temps on aurait aussi invité Jay Mascis, Millionaire… Thomas Belhom aussi était dans la salle, il aurait pu venir jouer avec nous. Quand j’ai vu le gars sur le rebord de la scène qui nous indiquait qu’il ne restait plus que 10 minutes, j’étais vraiment dépité ! C’est dommage que Lulu Olivarez, la violoniste des Marichi, n’ait pas pu chanter non plus, ça vous aurait mis sur le cul !

John : Elle est géniale, elle est tout petite mais dès qu’elle se met à chanter… elle est très impressionnante…

Joey : Elle traîne avec nous, tout le monde boit sauf elle, elle ne fume pas non plus, c’est la seule fille mais elle s’en sort très bien. Elle s’amuse énormément. Avec des gens comme ça, on se sent obligé d’être sérieux, même si ça ne nous empêche pas de passer d’excellents moments. J’adore l’inspiration que procure cette énergie féminine. Dans les coulisses, les mariachis reprenaient tous les hits de Led Zeppelin.

Comment les avez vous rencontré ?

Joey : Ils étaient dans le même studio que nous pendant l’enregistrement de Black light. On écoutait leurs bandes et ça nous a énormément plu, d’autant que nous utilisions des guitares acoustiques, des guitares barytons, des xylophones… Ca nous a inspiré, cette
connexion avec Enio Morricone, Nino Rotta, les B.O. de films Twilight zone.

Comment se passent vos enregistrements communs ?

Joey : On fonce ! On joue ensemble assez souvent pour les suivre. Si c’est un morceau qu’on ne connaît pas, ils nous l’apprennent en le jouant directement, ou alors on essaye de deviner la construction au fur et à mesure. C’est une interaction.

John : En tant que batteur, je les ai beaucoup écouté, et j’en suis arrivé à la conclusion que ces gars là n’ont pas besoin d’un batteur, il y a déjà un tel rythme ! La batterie est juste un élément amusant à rajouter par dessus. J’adore les morceaux en 6/8, c’est mon rythme favori, et avec les balais le son n’est pas trop fort. Quand ça devient trop lourd, je me fais moins présent.

C’est étonnant que vous n’ayez pas fait d’album avec eux.

Joey : Oui, ils apparaissent sur Black light et Hot rail. Un peu sur le dernier aussi. On a également enregistré Crystal frontier avec eux. On a commencé l’enregistrement de titres, on sortira peut être un album commun.

John : Ce serait surtout intéressant de composer avec eux parce que jusqu’à présent, on joue juste nos morceaux ou les leurs.
Sur Feast of wire, on a un peu le sentiment que vous tentez de revenir vers des sonorités plus proches de votre premier album, Spoke, qui est quand même à part dans votre discographie ?

Joey : On considère notre évolution par paliers, on ne va jamais sortir un album totalement différent du précédent, on garde nos caractéristiques. Sunken waltz me fait penser a Spoke, c’est vrai.

C’est une mini surprise d’entendre l’album commencer par un morceau chanté. Te sens tu plus à l’aise avec ta voix Joey ?

Joey : Peut être (rires). Il a fallu que je batte John au bras de fer pour le convaincre…

John : J’étais plutôt pour ouvrir le disque avec un instrumental, mais le résultat final est quand même pas mal.

Joey : On avait aussi pensé à « Pepita » ou « Pepito » ou « Torpedo » (rires)

John : J’aime beaucoup l’enchaînement du disque, je trouve que ça coule bien. C’est agréable de s’éloigner un peu de la foire mariachi. On se sert toujours de
trompettes, etc., mais différemment.

Comment décidez vous quel morceau a besoin de paroles ?

Joey : J’enregistre seul chez moi sur cassette. Des qu’une idée me vient, je laisse tourner la bande, jusqu’a ce que la mélodie complète soit dans ma tête. Ensuite, on voit ça avec John. Je le tanne toujours : « Allez John, tu as du son sur le 4 pistes, faut bosser ». J’aime beaucoup le côté lo-fi de certains enregistrements, proches de Spoke. Ca sonne très
frais.

Il y a une promotion assez importante pour Feast of wire. Avec le succès de groupes tels que le Buena Vista Social Club, l’émergence de la culture Latino aux Etats Unis, vous pensez pouvoir attirer un public plus large ?

Joey : Honnêtement je me fiche totalement que l’on vende 20 copies du disques ou 2 000. J’ai réussi à gagner ma vie avant de faire de la musique, ça n’est vraiment pas un problème. Pour ce qui est de vendre des disques, c’est City Slang qui s’en charge ! Cela dit, j’ai beaucoup réfléchi aux étiquettes que les gens peuvent nous coller, je pense que ça vient du fait que d’autres groupes peuvent avoir la même démarche. Tous ces groupes comme les Strokes, les White Stripes, les Hives, ou les Bees et les Bee-Hives (rires). Ca me parait logique qu’on les rattache au même courant.

John : Pour ce qui est de Buena Vista Social Club, je trouve super ce qui leur arrive, voir le pied qu’ils prennent sur scène, qu’ils aient un tel succès. Et c’est tellement mérité. Si on peut jouer jusqu’à leur âge on le fera sûrement, si on peut avoir autant de succès qu’eux, tant mieux, mais franchement je me sens parfaitement à l’aise dans les conditions d’aujourd’hui.

Joey : J’ai écouté pas mal de groupes indés qui mériteraient de faire parler d’eux. Je pense à des groupes comme Bright Eyes, Mouse On Mars, The Shins. Leurs albums sont vraiment excellents.
Vous parliez tout à l’heure du côté lo-fi de certains de vos enregistrements. Il vous arrive encore d’enregistrer des messages pour répondeurs musicaux comme à vos débuts ?

John : Oui, ça nous arrive de temps en temps. On essaye de les conserver, même si on a perdu celui au piano qui nous plaisait beaucoup a Joey et moi. On en a d’ailleurs un sur Feast of wire : Stucco. J’ai un vieux répondeur à cassette, ça compresse le son, comme
si ça passait à la radio.

Joey : Howe (Gelb) nous laisse parfois des messages au piano. Ils sont géniaux, on devrait sortir ça.

A propos d’Howe Gelb, la couverture intérieure du Covers magazine de Giant Sand faisait allusion à la retraite et désormais il tourne en solo. C’est la fin de Giant Sand ?

Joey : C’est marrant, Howe se pose beaucoup de questions, « Est ce qu’on va continuer ? », des trucs du genre. Il se complique un peu la vie (rires). Il aime bien exagérer avec ses histoires de retraite. Et combien de disques nous a-t-il dit avoir fini ?

John : Sept ! (rires) Il n’est pas prêt de prendre sa retraite.

Joey : Enfin, quand il dit qu’il en a sept, c’est qu’il en a fini… un ! (rires) Giant Sand est comme une grande famille, on finit toujours par se retrouver.

Quelles sont les différences dans votre jeu entre Calexico et Giant Sand ?

John : Joey tient la basse dans Giant Sand, ça change. Howe, en quelque sorte, est un peu celui qui conduit le bus et ça n’est pas toujours facile de le suivre ! Il faut l’écouter pour savoir ce qu’il va faire, il adore changer sa façon de jouer ses titres en concert, j’essaye de rentrer dans sa tête. Avec Calexico, on sent plus arriver le moment où l’on va improviser. Et ici nos talents d’écriture sont mis à contribution (rires).

Joey : J’essaye souvent de trouver des rythmes différents. On a essayé des titres plus réguliers pour Feast of wire, mais ça sonnait franchement mauvais.

John : J’ai du mal à jouer des rythmes pop, j’ai besoin d’espace. Les balais sont très importants pour moi, on peut en sortir beaucoup de choses. Ca m’aide quand Howe joue en acoustique et que la seconde d’après il te pète les oreilles ! Avant que tu ais compris quoi que ce soit, c’est de nouveau tout calme (rires).

Justement, vous avez refait quelques concerts en tant que Spoke récement (Spoke était le nom initial de Calexico quand John et Joey enregistraient uniquement à deux, ndlr). Comment est ce que vous réadaptez les morceaux ?

Joey : C’est plus intimiste. On commence plus calmement pour avoir des montées plus importantes. Ca donne plus de dynamiques à notre jeu. C’est aussi plus facile pour improviser. A Berlin, le programmateur du concert nous a demandé une set list, mais je ne pouvais pas lui en donner étant donné qu’on ne savait même pas ce qu’on allait faire avant de jouer.
J’aime avoir la liberté de ne pas avoir à y penser de temps en temps. En tournée avec le groupe, j’essaye souvent de rajouter des passages improvisés, ils adorent ça ! On a ouvert pour les Dirty Three sur des dates américaines et ça a été une excellente opportunité pour les observer, on a beaucoup appris en ce qui concerne l’improvisation.

John : Des gens ont comparé mon style à celui de Jim White avant même que je n’entende Dirty Three et je peux comprendre cette comparaison, même si Jim est
dans un autre univers. J’adore sa percussion.

Joey : Mick (Turner) est un brillant guitariste. Et Warren (Ellis) est extraordinaire. On
est allé le voir lui et sa femme à Paris, ils habitent dans cette ancienne écurie du XVIIIe siècle où ils ont enregistré une partie de Whatever you love you are. Il faut le voir s’extasier sur la vue qu’il a (Joey prend un accent australien) : « Regarde à la fenêtre la vue qu’on a mon pote ! ». On se croirait dans Mary Poppins (rires). Je ne devrais peut être pas l’imiter comme ça…

John : Joey est très fort pour ça. Il a une très bonne oreille. Il réussit souvent des imitations parfaites.

Vous reprenez souvent des groupes tels que Grandaddy ou Smog, est ce que ça vient du fait que vous les côtoyez souvent ?

Joey : Ca vient surtout du fait qu’on aime ces groupes. C’est mon identité, je fais du rock indé, j’habite à Tucson, je joue dans Giant Sand et Calexico et j’ai la chance de voyager et de rencontrer des gens comme eux. On a parfois de grandes claques, comme hier soir lorsqu’on a joué avec Mike Watt. J’ai grandi en écoutant les Minutemen ! Et on a aussi la chance de pouvoir varier les plaisirs en accompagnant des gens tels que Howe, Neko Case, Richard Buckner, Jenny tommey ou Franklin Bruno, Barbara Manning. On fait aussi des remix (comme pour Two Lone Swordsmen ou encore Goldfrapp).

Y aura-t-il une suite à votre projet OP8 un jour ? Peut être avec Françoiz Breut ?

Joey : C’est une excellente idée. Sûrement le meilleur choix. On a également pense à Pj Harvey.

J’espère que vous vous êtes remis du refus de Clint Eastwood…

Joey : On nous a envoyé une lettre disant qu’il était trop occupé pour jouer avec nous. C’était marrant de poser la question et d’avoir un refus écrit via l’attaché de presse…

Pour terminer, comment se fait il que tu ne chantes jamais The Ballad of cable hogue en français Joey ?

Joey : Vous avez entendu cette version ? Vous l’aimez bien ? On m’a dit que je chantais ça comme Arno.

Ah bon ?!?

Joey : Naîm Amor m’a beaucoup aidé là-dessus. J’ai d’ailleurs la cassette où il répète les paroles au dessus de ma voix. Je trouve que ça sonne très bien. Je pensais mettre ça sur un prochain album, le rajouter sur de la musique.

Propos recueillis par et

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