Septembre 1998 : David Bowie, artiste multicarte, ouvre le premier service de fourniture d’accès au réseau créé par un artiste : BowieNet. Les providers n’ont qu’a bien se tenir… Un coup de pub ? Oui, mais pas seulement. La star est férue de la Toile depuis belle lurette et multiplie aujourd’hui les initiatives pour offrir sa musique aux internautes. L’intégralité de son nouvel opus, Hours, est téléchargeable sur le Net (20 dollars environ), 15 jours avant sa sortie mondiale.Bowie passionné de nouvelles technos, rien de neuf. Déjà cédéromisé en 93 (Jump), la star surfe aujourd’hui allègrement sur la Toile, et s’adonne volontiers à la vente directe (Telling lies a été téléchargé par 375 000 internautes deux mois seulement après avoir été proposée, avant la sortie officielle, sur la Toile). Mais Bowie provider, qui l’eut cru ? Pourtant, BowieNet est un projet qui gambergeait sérieusement dans la tête de la star depuis plusieurs années. Dans celle de Robert Goodale, producteur exécutif chez UltraStar* (responsable entre autres du site Rolling Stones Network, des pages officielles de The Cure et aujourd’hui de BowieNet), également. Depuis le 3 septembre 1998, le monde entier peut souscrire un abonnement à un service d’accès au réseau et à un contenu privé clairement orienté musique, servi qui plus est par un graphisme de toute beauté. Prenant le contre-pied de la tendance actuelle qui veut qu’un provider offre à ses membres une brochette d’informations les plus générales possibles pour séduire un public toujours plus large, BowieNet parie sur un regroupement par affinité.
Droit d’entrée au service : 19,95 dollars pour un accès total au service et à l’Internet, 5,95 dollars pour le seul accès à toutes les parties du site davidbowie.com. « Pour quelqu’un qui s’intéresse à David Bowie et à tout ce qui tourne autour de lui, c’est un service à très forte valeur ajoutée pour le même prix qu’un abonnement standard chez un fournisseur d’accès habituel aux Etats-Unis » insiste Bob Goodale. En l’occurrence, et en premier lieu, les fans du caméléon du « modern rock » qui auront pu, dès l’ouverture du service, apprécier le cadeau de bienvenue, soit trois bonnes heures du concert donné par Bowie au Madison Square Garden à l’occasion de ses 50 ans -aujourd’hui, les nouveaux souscripteurs reçoivent un CD-Rom rempli de goodies multimédias concoctées par l’ami David himself. Quoi d’autre ? Des titres et extraits sonores inédits à faire baver les bootlegers, des faces B, des retransmissions live de concerts, de séances d’enregistrement en studio, des backstages. Mais également les peintures et autres pièces d’art torturées de l’artiste. Techniquement, on retrouve à peu près les avantages offerts par les plus grands fournisseurs d’accès (accès haut débit, 5 Mo d’espace pour tous les abonnés, une adresse e-mail type ).
En bon avant-gardiste touche-à-tout, Bowie compte bien aller plus loin en développant une véritable plate-forme culturelle -et exclusive- à destination des passionnés de musique, mais également de cinéma, de littérature et d’art. Bob Goodale est aux anges : « les médias américains, comme le public, sont unanimes : BowieNet, c’est la grande classe. Probablement, à ce jour, le meilleur site d’artiste disponible sur toute la Toile. » Et d’ajouter : « ce type de provider constitue une nouvelle étape sur l’Internet, lorsqu’un élément central conditionne tous les services, tous les contenus. Nous y sommes. Les intéressés ne trouveront jamais mieux… ».
La page d’accueil est personnalisable, des chats et des forums de discussions avec l’artiste ou des guest stars sont régulièrement créés. Sûr qu’avec au moins une passion commune, les abonnés y laissent de grosses traces. En outre, Bowie, himself, semble être constamment au commande du site, prêt à toutes les concessions, à toutes les confessions. « Il est extrêmement actif et les idées fusent… » nous confie Bob Goodale.
Tenez : amateur de jeux vidéo, notre homme a récemment sympathisé avec Quantic Dream, une équipe française de programmeurs. Résultat : la légende du rock, Reeves Gabrels, son compositeur-guitariste, et Iman, top model et épouse du sieur Bowie, apparaissent numérisés dans The Nomad sou (édité par Eidos -cf. Bowie entre jeu), un jeu d’aventure-arcade en 3D temps réel dont la sortie est prévue pour la fin du mois. L’artiste a même concocté une série de titres inédits spécialement pour le jeux. Chez Quantic Dream, on n’en espérait pas tant.
Nouvelle preuve de ce bouillonnement d’idées avec cette dernière initiative : Hours, son nouvel album (dans les bacs le 4 octobre 1999), était disponible 15 jours avant sur la Toile (uniquement pour les internautes nord-américains, hélas). Une cinquantaine de marchands online américains -pas bien difficiles à convaincre, on l’imagine- proposent donc à l’achat, pour une vingtaine de dollars, les 10 titres, plus 1 inédit (No one calls). Reste pour l’internaute intéressé à les télécharger et à les graver sur CD. Tout simplement. Une grande première puisque Bowie, en businessman de choc, a négocié le deal avec l’accord et l’approbation de toutes les parties. Contrairement aux expériences passées en la matière (Public Enemy, Prince…), assassines pour l’industrie musicales, cette fois-ci, une major est dans le coup : Virgin. Du coup, toute l’industrie du disque est aux aguets et l’expérience sera sans aucun doute déterminante pour la suite des événements…
Néanmoins, Bowie ne cache pas ses ambitions réticulaires ; les maisons de disques n’ont qu’a bien se tenir. Gageons, à ce propos, que Virgin a dû se plier à de nombreuses conditions imposées par la star. « Internet est sans aucun doute la forme de communication la plus rebelle qui soit à ce jour » affirmait la pop star lors d’une récente conférence de presse. « Je m’y consacre dorénavant à fond car j’y trouve le même potentiel révolutionnaire et subversif qu’avec la musique lorsque je m’y suis consacré en 1964. » Clair, non ?
* UltraStar est une compagnie américaine spécialisée dans le management et le partenariat technologique dans le milieu de la culture et des loisirs, du sport et de la mode. Son objectif : permettre aux internautes de se rapprocher de leur star favorite par l’intermédiaire du réseau et former des communautés autour de personnalités emblématiques.
Lire nos chroniques de Hours et The Nomad soul