Né dans les années 90, en pleine crise du cinéma fantastique, Gérardmer a mis du temps à trouver ses marques. Réputé pour n’être que le petit frère dégénéré d’Avoriaz, le festival a grandi, non sans difficultés, dans l’ombre de son illustre aîné. Heureusement, la crise de croissance est terminée et cette année la sélection a, en effet, été d’une surprenante qualité.

Lieu de renaissance du genre fantastique en Europe, l’Espagne ne cesse de faire parler d’elle depuis quelques années. Tandis qu’Alejandro Amenabar flirte du côté d’Hollywood en tournant avec Nicole Kidman Les Autres, le cinéaste mexicain Guillermo Del Toro préfère traverser l’Atlantique en sens inverse pour réaliser El Espinazo del diablo (L’Echine du diable). Alors que la République espagnole agonise, un petit garçon d’une dizaine d’années, Carlos, trouve refuge, à la mort de son père, dans un étrange orphelinat perdu au beau milieu d’une plaine désertique. Cette immense bâtisse, si loin et si proche du conflit, est hantée par le fantôme de l’un de ses anciens pensionnaires. Entre virtuosité de la mise en scène et discrète beauté des effets spéciaux, cette oeuvre éminemment personnelle n’est pas sans rappeler le magnifique Les Autres. A son image, cette limpide et poétique parabole sur le franquisme est un grand film classique. Tout le contraire du surévalué Fausto 5.0, l’autre long métrage espagnol en compétition. Cette réalisation tricéphale (Isidro Ortiz, Carlos Padrissa et Alex Ollé) est comme son nom l’indique une énième variation sur le mythe de Faust. Bien moins tapageur que les spectacles de « La Fura dels Baus », troupe de théâtre catalane dont font parti Carlos Padrissa et Alex Ollé, le film n’échappe cependant pas à une certaine surcharge visuelle. En dépit de ses lourdeurs plastiques, Fausto 5.0 réussit à surprendre par moments, notamment dans sa vision unique et apocalyptique de la ville de Barcelone. Mais de là à remporter le Grand Prix du festival…

Le dynamisme du cinéma espagnol ne doit pas nous faire oublier qu’ailleurs le genre est en plein déclin. C’est le cas de l’Italie, où seul Dario Argento réanime régulièrement le cadavre du fantastique transalpin. Malheureusement, le dernier film du maître, Le Sang des innocents, est loin d’être une réussite. Argento masque son manque d’inspiration en revenant à son genre de prédilection, le « giallo ». Mais il a beau convoquer l’ensemble de son univers (assassin aux gants noirs en latex , meurtres sanglants, comptine enfantine…), Le Sang des innocents, excepté les vingt premières minutes, ne fascine jamais. Ne ressortent que la vulgarité et l’amateurisme de certains interprètes, le côté cheap de la mise en scène. Un Argento en petite forme qu’il vaut mieux oublier sitôt visionné.
Démons intérieurs

Plongée dans le mental d’un adolescent schizophrène ou exploration d’un monde parallèle, Donnie Darko s’abstient de privilégier une interprétation ou une autre. Seule certitude, le film de Richard Kelly (lire notre entretien) est un flash-back particulièrement émouvant sur l’adolescence et la fin des années 80. C’est ce même refus des réponses toutes faites qui semble guider Frailty, première réalisation de l’acteur américain Bill Paxton. Garagiste sans histoires, Bill Paxton élève seul ses deux fils. La petite famille mène une vie on ne peut plus normale jusqu’au jour où le père reçoit un message du ciel. Le garagiste se métamorphose alors en envoyé de Dieu dont la mission est d’éliminer les démons qui sévissent sur terre. Cultivant le doute en permanence, la première heure de Frailty se présente comme une violente dénonciation du fanatisme religieux. C’est sans compter la roublardise du scénariste qui par une simple pirouette finale transforme le film en un trouble objet réactionnaire.

Créatures

Bien plus léger, Jeepers creepers deVictor Salva est un bon vieux nanar tout ce qu’il y a plus réussi. Le film met face à face deux ados et un chauffeur de camion fou sur une petite route de campagne. Avec peu de moyens et s’inspirant du Duel de Steven Spielberg, Jeepers creepers est une oeuvre mineure particulièrement efficace. Dommage que dans la dernière demi-heure, la créature, jusque-là réduite à une immense et opaque silhouette, ne nous soit dévoilée ; le démon ailé étant bien plus risible qu’autre chose.
Dans Uzumaki de Higuchinski une petite ville japonaise se voit frappée par « la malédiction de la spirale ». Un homme filme inlassablement la coquille d’un escargot, un autre est fasciné par la rotation du tambour de sa machine à laver, les cheveux d’une fille frisent de manière instantanée… Sans jamais qu’aucune explication ne soit donnée au phénomène, on assiste à l’invasion de cette figure géométrique qui va jusqu’à affecter le corps même de ses victimes. Si Uzumaki adopte un mode ludique au départ, l’obsession grandissante des habitants pour la spirale devient de plus en plus angoissante. Et si finalement la créature la plus terrifiante du festival n’était ni un démon ailé, ni un père illuminé ou encore le diable, mais bien une simple spirale dont le motif omniprésent se déroulerait à l’infini ?

Palmarès du 9e Festival du Film Fantastique de Gérardmer :
Grand prix du Festival :
Fausto 5.0 d’Isidro Ortiz, Alex Ollé et Carlos Padrissa
Prix du Jury :
El Espinazo del diablo (L’Echine du diable) de Guillermo Del Toro
Prix de la Critique Internationale :
El Espinazo del diablo de Guillermo Del Toro
Grand Prix du Jury Jeunes :
El Espinazo del diablo de Guillermo Del Toro