Jean Odoutan est incontestablement un cinéaste à part et se présente volontiers comme un résistant au système. En l’espace de huit ans, il aura réalisé pas moins de cinq courts métrages et trois longs sur lesquels il se chargeait à chaque fois, faute de moyens et de soutien, de l’écriture, de la production, de la musique, en prenant soin de se réserver un rôle à l’écran. Son étonnante énergie, face à une industrie française assez peu curieuse du cinéma d’origine africaine, a de quoi étonner et suffisait à faire de Barbecue-Pejo, son premier film sorti en début d’année, une œuvre singulière, qui, au-delà de ses défauts de facture, témoignait d’un attachant sens du dialogue et d’une singulière indépendance de ton. Son troisième opus, Mama Aloko, à peine mis en boîte, il vient d’enchaîner sur un nouveau tournage et prévoit de repartir pour le Bénin où il doit développer deux projets. Jean Odoutan part du principe suivant : si l’on ne veut pas financer ses films et lui laisser la parole, il la prend de force, envers et contre tous -se plaît-il à préciser-, assurant aussi bien la production que la distribution des produits finis.
Dans cette perspective terroriste, nous est aujourd’hui imposé (c’est le terme figurant sur l’affiche), Djib, son deuxième film donc, défini par Odoutan lui-même comme « une banlieuserie nègre« . Après l’Afrique de Barbecue-Pejo, le voici donc de retour en France, plus précisément à Asnières, son lieu de vie, avec cette comédie qui se propose de faire rire « des conflits insignifiants qui opposent les communautés noires africaines, noires antillaises et maghrébines. » Vaste et ambitieux programme que notre prolixe auteur a bien du mal à assumer. Car, il faut bien le déplorer, rien dans Djib ne parvient à dérider le spectateur. L’humour, censé circuler principalement par le langage, n’échappe jamais à la vulgarité. Les personnages fleurent bon la caricature, les situations ne convainquent pas et l’interprétation accentue le côté amateur de l’entreprise. Le réalisateur passe d’une déconcertante naïveté à une tonalité plus vindicative et aigrie qui ajoute à la confusion.
Pis encore, cette fable mal écrite et dépourvue d’inspiration est filmée n’importe comment, sans discernement ni rigueur, et Jean Odoutan, dans des élans assez rares de narcissisme, prend plaisir à se citer ouvertement d’un bout à l’autre de ce périple cauchemardesque au pays du débraillage visuel et narratif. Le capital sympathie qui lui était acquis s’amenuise vite face à tant de grossièreté et à l’indigence du discours. L’on doute fort, à l’arrivée, que qui que ce soit puisse avoir envie de se retrouver dans ce tohu-bohu bancal aux aspects de téléfilm bâclé. Etre un cinéaste solitaire et mal aimé ne suffit pas à gagner le respect de son public quand on a, en définitive, si peu de choses à lui dire et qu’on les exprime avec tant de hargne et de maladresse.