Bien loin des frasques du lancement agressif de la PS2, Nintendo opte pour une présentation tout en douceur de sa nouvelle console portable appelée à remplacer l’un des hits sans précédent de l’histoire du jeu vidéo. Une évolution qui, sans provoquer de profonds bouleversements, a le mérite de recentrer le débat après l’affaire de la dernière console de Sony, toujours en manque de bombes vidéoludiques.
Petit rappel des faits. La sortie de la N64 présentée comme révolutionnaire s’était soldée par un échec cuisant : un concept vieillot (l’éternelle cartouche), une puissance relativement faible pour une logithèque réduite, sans oublier l’arrivée sur le marché de la PlayStation. Plus récemment, la surenchère de la PS2 semble suivre le même chemin : trop compliquée à programmer, dépassée techniquement par ses futures concurrentes -la X-Box de Microsoft en tête-, la plate-forme de jeux de Sony fait plutôt grise mine malgré des ventes record. En connaissance de cause, Nintendo a donc décidé de modifier ses plans et de réaliser un test grandeur nature en commercialisant (le 21 mars 2001 au Japon et le 22 juin en Europe) la Game Boy Advance avant la GameCube, sa console dernière génération prévue pour le premier trimestre 2002. Une sorte de manifeste par l’intermédiaire duquel le géant nippon, certain de son avance et de son succès (plus de 110 millions de consoles vendues dans le monde dont 6 millions en France), minimise les risques.
Mais qu’est-ce donc que cette Game Boy Advance ? D’abord, une première impression persistante de déjà-vu. Même poids, même format, la GBA joue la carte de la ressemblance troublante, multipliant les références à son illustre ancêtre. Seule nouveauté majeure, l’écran couleur au format 16/9, fier de ses 32 000 couleurs et de son rendu haute qualité, oriente la console horizontalement, transformant l’engin en une manette géante très proche d’un pad de Super NES (croix directionnelle, deux boutons de tir, deux gâchettes latérales et les éternels « Start » et « Select »). Côté ergonomie, la prise en main s’avère des plus faciles mais quelque peu fatigante à la longue, l’espacement des touches étant parfois un peu approximatif pour des mains adultes. Et quand on sait que la Game Boy Advance aura la possibilité de se transformer en manette additionnelle pour la future Gamecube, l’inadaptation d’une telle conception risque de poser problème en plein milieu d’une baston frénétique et sanglante…
Autre point litigieux, la réapparition chronique des superstars de Nintendo au lancement de la bécane qui nous propose en guise d’appetizer revu et corrigé la énième version des aventures soi-disant palpitantes de Luigi, Mario et Princesse Peach. Soit la perspective peu réjouissante de devoir ramasser une fois de plus champignons et légumes frais tout en blastant de vilaines tortues autochtones.
Si la formule est plutôt connue (limite rebattue), c’est toutefois l’occasion inespérée de comparer les possibilités des différentes consoles portables du moment et autres joyeusetés disparues depuis longtemps des marchés. Pas de doute, le processeur 32 bits remplit parfaitement sa tâche, offrant une qualité d’affichage et de vision rarement égalée pour une console portable. Les fonds sont très détaillés, la fluidité exemplaire et le rendu des couleurs tout simplement magnifique. Le contraste est aussi de la partie, permettant au joueur d’appréhender l’action en un clin d’œil. Bref, la jouabilité est sans conteste au rendez-vous, le tout agrémenté de quelques saillies sonores du meilleur cru. Reste que l’impression globale de rejouer au vieux hits de sa Super Nes en version nomade est un peu trop forte pour se laisser emporter par la frénésie des boss de fin de niveau. Limite frustrant même lorsqu’il s’agit une fois de plus de répéter les mêmes actions avec pour seul bonus la possibilité de gigoter à tout va.
Même constat pour F-zero, un jeu de course à la Mario kart. Les effets de scrolling sont parfaitement gérés, et donnent dans l’arcade pure et dure ce qui nous autorise quelques dérapages du plus bel effet. Les classiques gâchettes arrière répondent au quart de tour, permettant de contrôler au centimètre près la force de gravité de la bécane. Si l’on ajoute à cette ludothèque Kuru Kuru Kururin, une sorte de Tétris en plus fun, la console compte pour l’heure trois jeux en tout et pour tout pour son lancement. Bien sûr, le futur Zelda est déjà en préparation, mais la faible quantité de titres disponibles a de quoi nous étonner sachant que le portage des jeux ne pose en théorie aucun problème, contrairement à la PS2 qui nécessite une refonte complète du code.
Plus embêtant encore pour la nouvelle console de Nintendo : la propension de plus en plus importante des PDA (Personal Digital Assistant) à offrir des solutions logicielles très efficaces pour un rapport taille / poids quasi équivalent. Evidemment, les monstres de puissance type iPaq 3036, cadencé à plus de 200 Mhz, se situent dans des gammes de prix bien plus élevées (4 500 F contre 790 F pour la GBA), mais la baisse des prix, la miniaturisation des processeurs et la démocratisation relative de ce type d’outils risquent à terme de jouer contre Nintendo. Certains éditeurs (et pas des moindres), tels qu’Ubi Soft, Take 2 ou encore Infogrames, semblent lorgner d’un œil plus qu’intéressé du côté des PDA : V Rally et Rayman viennent en effet de sortir sur Pocket PC, tandis qu’Oni va faire son entrée dans le monde du WAP. Certes, la console vise avant tout un jeune public, mais à trop vouloir cloisonner les applications possibles, la petite dernière de Nintendo risque de s’affronter à des plates-formes bien plus puissantes et plus ouvertes. Même si les GBA ont la possibilité de se contacter à Internet (télécharger des jeux ou développer des fonctions multijoueurs jusqu’à quatre bambins en simultané), les fonctions de la console portable évolueront dans un cadre relativement fermé. A moins de développer des modules suffisamment puissants pour surbooster le processeur et la mémoire. Affaire à suivre.
Pour en savoir plus, deux sites officiels, celui de Nintendo et celui de GBA