Divine Comedy n’est plus seulement le projet de Neil Hannon. Regeneration, le nouvel album, nous fait entendre un véritable groupe, jouant sobrement des chansons tristes. La sobriété et la tristesse n’ayant jamais été l’apanage du personnage, quelques éclaircissements s’imposaient. Neil Hannon nous reçoit le lendemain de son concert à La Cigale dans un hôtel du Marais, flanqué de son bassiste Brian.
Chronic’art : Il semble qu’il y ait un changement de direction dans ta musique avec Regeneration…
Neil Hannon : Avec Fin de siècle, le disque précédent, nous avions le sentiment d’avoir atteint le terme d’un certain style. Tu sais, le genre extrêmement orchestré, conceptuel, pseudo-intellectuel. Dans cette veine, j’avais un grand nombre d’idées ambitieuses et, avec le temps, j’ai eu l’impression d’en avoir fait le tour. Par ailleurs, mon groupe a gagné en cohésion durant ces six dernières années, ce dont aucun disque n’avait jamais rendu compte. Dès lors, c’est ce que nous souhaitions réaliser. Pour ça, je voulais écrire des chansons aussi simples que possible.
Ca signifie que les arrangements de ce disque sont le fruit du groupe ?
Brian : Juste nous sept dans le studio avec un producteur.
Neil Hannon : Il s’agit de Nigel Godrich, connu pour son travail avec Radiohead, Pavement ou Travis.
Brian : Nous n’avions jamais travaillé avec lui avant.
Neil Hannon : A vrai dire, on n’a jamais travaillé avec un véritable producteur. Juste avec un ingénieur du son nous aidant à réaliser le disque.
Quelle différence entre un ingénieur du son et un producteur ?
Brian : Un ingénieur te laisse plus ou moins faire tout ce que tu veux et se borne à l’enregistrer alors qu’un producteur veut faire son disque. Il s’implique énormément dans le projet et il n’a pas peur de te dire que ton idée est mauvaise. Il fait en sorte que le disque sonne comme il l’entend.
A-t-il changé les arrangements de certaines chansons ?
Neil Hannon : De nombreuses fois. En fait, il a plus exactement eu un rôle de monteur. Nous sommes arrivés avec beaucoup d’idées et de chansons et il a fait son tri : j’aime ceci, je n’aime pas cela… L’essentiel de ce que tu entends vient de nous, mais il a fait en sorte qu’on ne complique pas exagérément les choses.
Aviez-vous besoin de quelqu’un comme ça ?
Neil Hannon : Absolument. Nous voulions vraiment quelqu’un qui maintienne une direction ferme dans notre travail. Si tu laisses la porte ouverte aux initiatives des musiciens, tu as aussi besoin d’un avis extérieur pour y arriver…
Brian : … sinon les morceaux peuvent partir dans quinze directions à la fois.
Tes nouvelles chansons sont plus mélancoliques avec des changements d’accords moins spectaculaires que dans le passé…
Neil Hannon : Je crois qu’il y avait beaucoup d’ostentation dans nos disques précédents. Nous cherchions à montrer ce que nous étions capables de faire. Celui-ci a juste pour vocation de présenter de la bonne musique, point final.
Et pourquoi cette tonalité mélancolique ?
Autrefois, quand j’étais pauvre, vivant dans un quartier misérable comme Brixton, j’avais tendance à m’évader dans l’écriture de chansons joyeuses et luxuriantes. Elles incarnaient ce à quoi j’aspirais. Aujourd’hui que je suis parfaitement heureux dans une jolie maison au milieu d’un joli parc, avec une belle femme et un chien adorable, je me sens plus disposé à écrire des choses misérables. Plus enclin à creuser les sujets qui me déplaisent réellement.
Ne s’agit-il pas de ravaler son orgueil avec élégance ?
(Rires) Je ne sais pas pour l’élégance, mais concernant l’orgueil, pas du tout. Je suis très fier de mes vieux disques, autant que je peux l’être de ce dernier. C’est juste une approche radicalement différente. Ce n’est pas que mon rôle dans le groupe soit diminué, c’est plutôt que le rôle des autre est augmenté.
On entend des sons de synthétiseur magnifiques sur Regeneration. Quels appareils avez-vous utilisés ?
Brian : Nous avons utilisé un énorme Yamaha, la Dream Machine. Il n’en existe que quatre en dehors du Japon : celui du studio où nous avons enregistré, celui d’Abba, celui d’Emerson, Lake & Palmer et celui de Stevie Wonder. Il offre des sons vraiment uniques et nous avons bidouillé nos propres sons au hasard des boutons.
Neil Hannon : D’habitude, on utilise un Prophet de la fin des années 70 et une String Machine Salina. Plus les synthés ont évolué techniquement, plus ils se sont avérés mauvais, perdant toute leur personnalité. Il faut donc revenir aux premiers pour retrouver leur tonalité originale.
Sur le disque, Bad Embassador n’est-il pas un peu déplacé ? On dirait un pastiche de glam-rock à la Bowie/Suede…
Je vois ce que tu veux dire. Il sonne effectivement ainsi. Mais il ne semblait pas si glam que ça quand on l’a enregistré. Pour moi, Perfect love song, est légèrement hors du ton du disque. D’une certaine façon, c’est aussi le cas de Regeneration.
Ca nous a fait penser à Led Zep.
Tu m’en vois ravi. De toute façon, il y a toujours un morceau qui colle un peu moins. C’est normal, ce serait ennuyeux sinon.
A l’écoute de l’album, on songe également à Radiohead. C’est un groupe que vous avez écouté ?
Je pense que nous avons tous écouté Radiohead. C’est tout simplement le meilleur groupe du monde… enfin, c’est mon opinion. C’est certainement le groupe le plus influent des 90’s.
Qu’est-ce que vous avez écouté principalement ces derniers temps ?
Essentiellement des groupes américains bruyants : Queens of The Stone Age, At The Drive-In, And You Will Kown Us By The Trail Of Dead. Et Grandaddy, qui ne sont pas aussi bruyants, mais très agréables. Et les Temptations. Mais ça n’a pas eu d’influence sur notre musique. On essaie de ne ressembler à personne au moins une fois dans notre vie.
On t’a déjà dit que ton timbre de voix était très proche de celui de Peter Hammill ?
Beaucoup de gens m’ont dit ça en France. Très peu de gens connaissent Hammill en Grande-Bretagne. Et franchement, je ne le connaissais pas non plus. J’ai bien peur que ce soit une parfaite coïncidence. Je ne connais pas du tout son travail. Un jour, lorsque j’aurai cinquante ans, j’irai acheter un de ses disques et je dirai en l’écoutant : « Mais oui ! »
Ca t’ennuie qu’on te compare à d’autres artistes ?
Seulement quand il s’agit de Ronan Kiting.
Qui ça ?
Ronan Kiting. Comment, tu ne connais pas Boyzone ? Non, non, ça ne m’ennuie pas d’être comparé. La vie est trop courte.
Propos recueillis par
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