Histoire muette est une série d’animation en papier découpé réalisée par Stéphane Blanquet et Olive. Vingt-six petites fables muettes particulièrement cruelles d’une minute qui sont diffusées sur Canal + depuis le 5 février (tous les samedis à 22h10). Rencontre avec Blanquet, un artiste qui multiplie les supports : bande dessinée, animation, CD-Rom, etc., sans jamais pour autant abandonner un univers très personnel, d’une grande noirceur.
Chronic’art : Quelle est votre méthode de travail ? Comment passez-vous de la BD, de sa mise en page, de l’existence des cases, à l’animation proprement dite ?
Stéphane Blanquet : En fait, je suis passé de l’un à l’autre complètement par hasard. Je ne sais pas si je peux me définir en tant que réalisateur. Finalement, par rapport à mon travail, il y a peu de différences entre animation et bande dessinée. Je m’occupe aussi bien des histoires, des dessins, du storyboard que de l’animation proprement dite. Olive s’occupe du découpage, puis on anime et réalise ensemble. Il n’y a donc pas vraiment de différence étant donné que le storyboard est conçu comme une BD.
Le son est une donnée inexistante dans la BD, il est pourtant extrêmement travaillé dans Histoire muette.
En matière de son, pour notre première expérience en animation -une participation à L’Oeil du cyclone sur Canal +-, nous avions travaillé avec Paquito Bolino. On lui avait juste demandé de bruiter les séquences et cette fois-ci on est reparti exactement sur la même idée. Pour Histoire muette, Paquito a travaillé un peu comme un DJ ; il a pris plein d’éléments sonores et les a mixés.
Est-ce que vous vous êtes inspiré de vos propres BD pour créer Histoire muette ?
C’est parti d’un magazine appelé Strip dont s’occupait Placid. J’y faisais des petites histoires en quatre ou cinq cases. Le dossier pour Histoire muette a été monté à partir de ces histoires.
Vous définissez-vous avant tout comme un auteur de BD ou pensez-vous que cette appellation est trop restrictive dès lors que vous faites de l’animation, que vous avez participé à un CD-Rom (Les Chiots de la chienne, voir notre entretien avec Jean-Jacques Tachdjian) ?
Je ne me considère pas du tout comme un auteur de BD. Par rapport à ce que j’ai envie de faire, la BD c’est un peu trop réducteur. On ne peut pas non plus dire que je suis un réalisateur. Je suis un peu de tout. Peu importe le support du moment que je m’amuse.
Quels sont les auteurs de BD ou graphistes qui vous auraient influencé ?
Il y en a pas mal. C’est assez varié. Il y le peintre Joe Coleman, Topor, Robert Crumb, tous ces gens-là. C’est très varié, très large ; ça peut aller du peintre à l’image Malabar. Les histoires m’intéressent peu, mon inspiration est avant tout une inspiration graphique et les histoires qui en découlent.
Toutes vos BD sont publiées chez des éditeurs indépendants, tels Cornélius, L’Association, Chacal Puant. Ce refus des grands éditeurs fait-il partie de votre démarche artistique ?
J’ai commencé par l’autoédition, donc quelqu’un comme Cornélius est déjà un « grand » pour moi. C’est surtout l’esthétique des livres qui m’attire chez ce type d’éditeurs, le cartonné 48 pages ne m’a jamais attiré. Les grands éditeurs ont une démarche beaucoup trop commerciale, les indépendants sont des gens qui respectent mes envies.
Ca ne vous viendrait donc pas à l’esprit d’adopter la démarche d’un auteur comme Lewis Trondheim qui publie certains de ses livres chez L’Association et d’autres chez Dargaud ?
Disons que la BD n’est qu’un aspect de mon travail. Je préfère donc faire à la fois les livres qui me plaisent vraiment et de l’animation. Viser les grands éditeurs est loin d’être mon objectif.
En matière de liberté, quels sont vos rapports avec Canal +, coproducteur avec Viridiana d’Histoire muette ?
J’ai une totale liberté avec Canal +. Ils m’ont laissé une espèce de carte blanche, c’est parfait. J’avais fait un 2 min pour eux à l’occasion d’un Œil du cyclone sur la sérigraphie avec les éditions Le Dernier Cri, et la première expérience a été la bonne.
Pensez-vous qu’il y a un « boom » dans la BD, depuis environ 6 ou7 ans, avec l’apparition de nouvelles maisons d’édition dont L’Association est l’exemple le plus emblématique ?
Je trouve que tout ça s’écroule un peu maintenant. Il y a effectivement des structures indépendantes mais leurs auteurs se regardent un peu trop le nombril. Tout ça est un peu mou alors que les structures indépendantes permettraient d’enfoncer les barrières.
Même un projet aussi ambitieux que Comix 2000 (voir notre événement monté à l’occasion de sa sortie) ?
Comix 2000 est un grand travail de collectivité, mais par rapport aux auteurs eux-mêmes il n’y a pas grand-chose à dire… Toutes les nouvelles structures ressemblent un peu trop à L’Association. Le problème, c’est que tout tourne autour de l’autobiographie et que les auteurs n’ont pas grand-chose à dire. Ce qui m’attire avant tout, ce sont des univers, et un auteur qui va acheter sa baguette ou quelque chose comme ça ne m’intéresse pas du tout. Dans les comix américains, il y a 5 ans il y avait beaucoup plus de personnalités fortes. Maintenant, on retombe dans des dessins et des univers qui manquent de force.
Pourtant, un auteur comme Julie Doucet se sert de l’autobiographie pour transmettre un univers très fort.
Oui, mais justement, c’est quelqu’un que j’ai connu il y a 6 ans. Aujourd’hui, ce n’est plus aussi intéressant.
Quels sont vos projets ?
Là, je retourne faire des livres avec les éditions Cornélius. On a le projet plus lointain avec Olive et Omer Pesquer, mon webmestre, de faire un 26 min d’animation pour enfants.
Propos recueillis par et .
Lire « Bête et méchant« , à propos des Histoires muettes de Blanquet et Olive diffusées sur Canal +
Voir le site de Blanquet