Mi-juin 2000, c’en était fait de la belle immunité de la Dreamcast. Les premiers jeux crackés, hackés menu ont déboulé sur le Net. Une hémorragie de titres à vous émoustiller le plus ingrisable des webourlingueurs. En moins d’un mois chrono, les hits les plus frais de la console sont tombés comme des mouches. Un vrai carnage qui fait de la Dreamcast le cyberjouet le plus en vue du moment. Sous peu, le répertoire entier de la machine risque d’y passer. Mais que fait la police ?
Avec son lecteur GD-Rom hybride, à mi-lieue du CD-Rom et du DVD-Rom (plus de 1 Go en double couche), on aurait pu penser la Dreamcast à l’abri du piratage. Et pis ratage sur toute la ligne ! La ceinture de chasteté a sauté d’un seul coup, comme un bouchon de champagne en chaleur. Et si ça mousse, ce n’est pas forcément du mousseux ; les copies passent mieux qu’une lettre à la poste (hors grève). Du coup, Sega se retrouve avec un GD-Rom technologiquement débile et infirmé qui n’a plus raison d’être. Tandis que la Play 2 plastronne et caracole avec son lecteur DVD. Les démêlés que ce dernier lui avait valus paraissent aujourd’hui bien fades au regard de l’ouragan qui s’apprête à déferler sur la Dreamcast. Mais quelle diablerie ces boucaniers ont-ils pu invoquer pour débouter et outrepasser la protection hard du GD ? Quel tour de passe-passe permet de transvaser un bâtard de « double CD » sur un pur et simple CD-R ?
Utopia et réalité
A vrai dire le GD constituait plus un verrouillage contre le ripage et la gravure qu’un gros surplus de stockage. Les jeux Dream s’échelonnent en effet de 100 Mo à 800 Mo. De fait, pour graver un jeu qui tourne aux alentours de 800 mega sur un CD-R de 700, il convient juste de saquer quelques morceaux de musique et le tour est joué. Bien entendu, il aura fallu transférer le soft sur disque dur par un savant câblage et un docte chipset. Et encore plus avant, élaborer un programme-interprète qui persuade la machine que ce CD gravé est bien un jeu pour sézigue. Ce fameux logiciel de lancement est redevable au groupe Utopia. Le dispositif (CD Loader) se présente sous la gueule d’un fichier image de 4 Mo, qui une fois transposé sur un CD ne laisse plus transparaître que des fichiers textes sur PC. Dans votre Dreamcast, le CD Loader affiche un menu qui vous autorise alors à insérer un jeu copié ou n’importe quel jeu d’import. Utopia prévoit de sophistiquer son soft de démarrage pour l’orner d’un trainer (vies infinies, cheats…), d’options diverses et permettre à la console d’exécuter des jeux WinCE, du MP3, des VCD et voire peut-être du DivX (MPEG 4.3). La Dreamcast serait-elle en passe de devenir une console de bricolo-bidouilleur informatique ? Une bécane de hackers ? Après l’annonce de l’émulateur Bleemcast, la Dreamcast risque définitivement de morpher bien malgré Sega en machine ingénieuse et fascinante. C’est peut-être son ultime chance face aux trois mastodontes qui vont s’entredévorer pour la piétiner (Sony, Microsoft, Nintendo) : miser sur l’underground, l’alternatif relatif, pour muer en bécane astucieuse, souple et débrouillarde. Devenir le Linux du vidéogame.
Emplettes et provisions
Si vivre en symbiose (sans aller jusqu’à l’osmose) avec le milieu underground, peut à l’avenir lui tailler une planche de salut respectable, Sega pour l’heure ne l’entend pas de cette esgourde. Hérissé et piqué au vif, le hérisson bleu a pris toutes les mesures de représailles pour éradiquer l’épidémie et démasquer les hackers malins. Avec le soutien collabo-interactif de Lycos, Excite, Yahoo, eBay ou Amazon. Dans la fièvre du moment la firme a été jusqu’à prétendre que 200 000 Dreamcast tout au plus étaient susceptibles de laisser tourner ces CD de contrebande. Contre-vérité et mystification formelles ! Après vérification, le CD de boot et les copies fonctionnent à 100 % (sur console Pal ou NTSC). Première incidence de cette piraterie sur le marché : la Dreamcast a la cote en boutique US. Ses ventes ont connu un joli regain, prouvant s’il en était besoin la bonne santé et la virulence du secteur Warez. Sega du coup touche une nouvelle clientèle autrement inaccessible : les consommateurs saint Thomas prêts à ne payer que le hardware. La console en l’occurrence. Ces familiers du Warez traquent le soft comme d’autres traquent l’info sur la Toile. Le safari débute en général via IRC. Après une recherche des channels idoines et quelques « !sésames » ou autres « ?rules » plus tard, ils se connectent en FTP pour trier et rapatrier leurs emplettes (en http, c’est plus erratique, mais y a aussi de quoi). Si votre connexion débite vers le haut du panier (ADSL, câble), vous pouvez avoir votre jeu Dreamcast livré clé en main dans l’heure qui suit. Plus qu’à le graver avec CDR Win ou consort.
Guerre des nerfs
Le déverrouillage de la sécurité Dreamcast tombe on ne peut mieux pour Sony. A un trimestre du débarquement occidental de la PlayStation 2, Sega souffre d’une méchante épine inextirpable qui va s’infecter en diable. Sony s’y était frotté en vain pour finir par s’accommoder du piratage. Sega pourra-t-il ainsi faire contre mauvaise fortune bon cœur ? Rien de moins sûr. La compagnie est tout autant développeur que constructeur. Contrairement au co-inventeur du CD qui ne s’investit qu’accessoirement dans la conception ludique. A moins d’un repositionnement et d’une mutation frénétique, Sega vient de tomber dans une galère sans rameurs. Et ce n’est pas le remodelage du firmware des prochaines Dreamcast qui va mettre au pas les casseurs. Le système a été cassé, examiné dans son intimité et ses moindres failles, les guérilleros du hacking ne vont pas en démordre de sitôt. Pas tant qu’elle sera vaillante sur le marché. Voire au-delà. A savoir maintenant si la concurrence n’a pas filé un coup de pouce ou de main occulte aux crackers pour déstabiliser un Sega déjà fragilisé… Sait-on jamais. La part d’espionnage et de cracking industriel qu’on pourrait déceler dans l’affaire reste naturellement opaque et impondérable. En tout cas, le trio Sonyntendocrosoft est aux anges, avant la tempête. Et des quatre belligérants du secteur console, un larron passera certainement à la trappe. Pas bien loin du bord, en ce moment, Sega, est aussi peu fort que coi.
Hackzines et suppléments d’infos :
DCPhun : http://zer0c00l.cjb.net/
DC ISOS : http://www.xtremehw.net/Dreamcast/
152 : http://www.152.org