Du théâtre au virtuel il n’y qu’un pas. Catherine Nyeki, scénographe et artiste multimédia l’a franchi sans aucune difficulté. Motivée par la création de spectacles vivants sur ordinateur, elle présente aujourd’hui Micros univers, une scénographie picturale interactive. Rencontre.
« J’ai eu la chance de découvrir très tôt l’outil informatique et j’ai tout de suite flashé sur les possibilités créatives et interactives de l’ordinateur ». Avant d’être une artiste multimédia, Catherine Nyeki a longtemps travaillé sur des décors de théâtre. Mais la réalité d’une scène a ses limites, trop contraignantes pour celle dont la démarche est profondément motivée par l’envie de faire réagir le public. Sa frustration, Catherine l’a dépassée grâce à la machine qu’elle côtoie depuis 12 ans. Partant, elle a connu la plupart des logiciels d’infographie, de graphisme et d’animation qu’elle maîtrise aujourd’hui parfaitement sur Mac. « Ce qui me passionne, c’est l’interactivité ». Evidemment. Pour autant, pas question pour l’artiste de délaisser la scénographie. Bien au contraire : « J’expérimente avec la micro cette notion de regard tactile. C’est le point de vue du spectateur/acteur qui m’intéresse, comme au théâtre finalement où, à l’inverse du cinéma, l’interaction entre le public et la scène est envisageable ».
Avec Micro univers, sa dernière création sur CD-Rom, Catherine Nyeki s’exécute et tente d’aménager un espace scénique dans le virtuel. Résultat : une œuvre atypique composée de sculptures virtuelles animées et sonores -en fait, sa voix retravaillée à l’aide de logiciels audionumériques. Une expérience de chorégraphie onirique et hypnotique axée sur la décomposition/recomposition. « L’inter-acteur circule, se déplace, manipule des objets, les met en scène, les combine ». A partir d’une interface claire et intuitive, l’utilisateur découvre quatre familles d’objets. Chacune des thématiques est déclinée en quatre scènes où l’on assiste à la démultiplication des corps. L’artiste propose la symétrie mais l’utilisateur est chargé de corriger le tir selon son bon vouloir. Selon sa personnalité : « Tous, de 7 à 77 ans, jouent le jeu. Mais je constate différentes attitudes dans le public : certains ne peuvent pas s’empêcher de mettre de l’ordre, de ranger correctement les objets dans un coin de l’écran quand d’autres privilégient le désordre, le chaos absolu. Passionnant ».
Le mouvement sensuel des « chevelus » évoque l’eau, mais ils pourraient tout aussi bien se mouvoir au gré du vent ; La famille des « balanciers » suggère le jeu et « par extension l’enfance » affirme Catherine ; Les « moulins » symbolisent la rotation ; quant aux « battements », ils représentent la vie. Le mouvement, la vie, le jeu, chacune des évocations peut finalement s’appliquer à toutes les familles. Autres références : le monde microscopique et l’infini qui fascinent qui la fascinent. « En composant et en recomposant les formes, on peut faire des variations à partir d’une forme relativement simple et faire naître la complexité ».
Reste la matière que Catherine peut enfin moduler sans aucune limitation. Certains objets ont volontairement l’aspect du métal. « Cette matière froide et morte prend vie dans mon œuvre ». Un métal souple et fluide mélangé à des parties végétales. Avec les voix de l’artiste, elles aussi en perpétuelles variations, tant dans les gammes que dans les rythmiques, les formes deviennent organiques. Dans le virtuel, cet espace de tous les possibles, Catherine Nyeki ne considère finalement pas s’être éloignée du spectacle vivant…
L’artiste présentait Micro univers sur une dizaine d’écrans en octobre à l’Espace Landowski de Boulogne-Billancourt -« La démultiplication démultipliée en quelque sorte, fascinant ». L’œuvre était sélectionnée en 1998 au Prix Möbius de l’IRCAM. Cette année, Catherine a obtenu un FAUST d’or dans la catégorie « Art et Culture » et a réussi à négocier un contrat d’édition et de distribution avec une société japonaise lors du dernier Milia. « C’était aussi l’objectif puisque que j’ai fait en sorte que Micros univers soit complètement adapté et optimisé pour une présentation sur CD-Rom, Mac ou PC ».
En décembre, elle participera aux « Nuits savoureuses » du CICV Pierre Schaeffer de Belfort, le festival international d’arts multimédia urbains. Son œuvre sera projetée en plein air sur grand écran.
Micro univers au festival « Les Nuits savoureuses » du CICV à Befort
Du 17 au 26 décembre 1999
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