Les Mogwai sont heureux de vous présenter Come on die young qui ne déparera pas l’ensemble de leur discographie. Conversation animée -et fortement teintée d’accent écossais- avec deux des trois guitaristes du quatuor.
Chronic’art : Vous devenez des Gremlins si je vous arrose ?
Dominic Aitchison : Non, on serait juste emmerdés d’être trempés !
Où et comment vous êtes-vous rencontrés ?
Dominic : On avait 15 ans. Stuart était le frère de mon meilleur ami. John (Cummings, guitare) fréquentait la même école que moi. Comme il venait voir tous nos shows, on a fini par lui demander de se joindre à nous. Et il a accepté.
Stuart : Martin (Bulloch), notre batteur, habitait juste à côté de chez mon meilleur copain de classe.
Devenir musicien était une envie de toujours ?
Stuart : On n’avait pas le choix (rires). On est absolument inapte à faire quoi que ce soit d’autre. On sait jouer de la guitare, c’est tout.
Dominic : Au départ, on a pris ça à la légère, comme une grosse blague. Enfin, on voulait quand même faire de la bonne musique, qui nous plaise. Notre état d’esprit n’a pas changé. On veut s’amuser. On ne considère pas Mogwai comme un boulot, car on a toujours cherché à éviter le travail. Fonder un groupe nous a protégés de notre ennemi.
Stuart : Ce qu’on fait n’est pas un travail. Bosser dans une banque en serait un. Qui a envie de se lever le matin pour aller s’installer derrière un guichet ?
J’en ai vus. Ils m’ont effrayée.
Stuart : Je suis content pour eux, même si je ne peux pas les comprendre.
Dominic : Ils doivent être dans un sale état.
Votre opinion sur la scène des clubs ?
Dominic : Il ne se passe plus grand chose de ce côté-là. Le phénomène clubs et rave se meurt. J’aime bien sortir en club de temps en temps, à condition de pouvoir entrer gratuitement et de picoler un coup. Ça ne fait pas partie d’un désir spécial de danser en tous cas !
Stuart : Les clubs restent un endroit privilégié pour observer des gens, les voir se conduire différemment. On leur parle plus facilement et en général, ils sont intéressants… Dommage qu’on ne nous invite pas plus souvent.
Dites-moi la vérité sur la scène de Glasgow. J’ai du mal à croire à cette légende de grande famille musicale unie…
Stuart : En fait, on s’entend bien avec pas mal de groupes.
Dominic : On se connaît tous là-bas. Tout le monde a l’impression erronée qu’on passe notre temps à jouer ensemble…
Stuart : …mais, nous n’avons pas joué un seul vrai concert payant à Glasgow depuis novembre 1997. Pendant cet intervalle, nous avons eu le temps de nous produire cinq fois à New York. Beaucoup de groupes se sont mis à bien marcher et il se passe toujours la même chose dans ce cas : on n’a plus l’occasion de jouer dans sa ville d’origine parce qu’on est accaparé par les tournées. On reste amis avec quelques groupes qui eux, jouent encore à Glasgow.
Dominic : Avec les autres, c’est différent. Par exemple, je n’ai jamais vu Stuart (Murdoch) de Belle and Sebastian assister à un seul concert à Glasgow.
Stuart : Je crois l’avoir aperçu une fois ou deux…
Dominic : On l’a croisé en studio car Belle and Sebastian enregistrait son album pendant qu’on mixait un EP, mais à part ça, je n’ai jamais vu Stuart à un concert. Même pas un des nôtres.
Stuart : Et alors ?
Dominic : Je n’ai rien contre lui, mais je tenais à réfuter la notion que nous passons notre temps à traîner ensemble.
Parlons de vos vidéos. J’ai le souvenir d’un clip de dix minutes en noir et blanc illustrant Xmas parcel, dont l’intro était muette.
Stuart : Il devait y avoir de la musique, mais ils se sont mal débrouillés, et résultat, on n’entendait rien au début. On n’était pas du tout impliqués dans le tournage… Nous n’avons pas l’intention de jouer dans nos vidéos à venir.
Dominic : Nous transformer en acteur pour clips prendrait trop de temps. Et la réalisation représente un sacré boulot !
Stuart : On va continuer à embaucher un réalisateur à qui l’on dira : « Tiens, voilà une chanson, fais-en ce que tu veux. Mets-y des types en train de dévorer des bébés du moment que le résultat est vaguement joli et vaguement bon ».
Décrivez votre processus de travail.
Stuart : On ne se réunit pas nécessairement. On joue, on essaie que quelque chose se produise, on répète le même truc qui nous plaît jusqu’à ce qu’on soit satisfait. Après, on entre en studio, on bricole avec les sons. Ce n’est pas aussi romantique qu’on aimerait se l’imaginer.
Dominic : On n’a pas de formule magique ou pré-établie. La plupart des bonnes idées surviennent par accident.
Sur le dernier album se trouve un morceau intitulé Punk rock. En 77, vous auriez rejoint les Sex Pistols ?
Stuart : Oui. Les Pistols nous ont influencés, car n’importe qui était capable de les imiter. Ils savaient à peine tenir leurs instruments. Ça nous énerve quand les journalistes ou le public rendent compliquée notre musique. Tout le monde peut jouer du Mogwai, il suffit d’apprendre à jouer de quelque chose et d’en tirer des sons intéressants. Il serait temps que tous ces groupes qui copient Oasis, sont prévisibles et chiants, comprennent qu’une guitare offre des possibilités illimitées.
Et pour le look, vous auriez copié les Pistols ?
Dominic : Non, on aurait ressemblé à Joy Division -des petits gars de classe moyenne avec l’allure assortie. Tu les aimes au fait ?
J’ai un problème avec cette image de génie maudit qu’a récolté Ian Curtis.
Dominic : En lisant des bouquins à propos de Joy Division ou en écoutant leur musique, on se rend compte que ces gars-là se marraient et prenaient du bon temps.
Stuart : Curtis n’était pas suicidaire. Il souffrait d’épilepsie et ses médicaments lui nuisaient.
Dominic : Leurs disques n’ont rien à voir avec tout ce baratin de génie sacrifié. Joy Division était un groupe tout ce qu’il y a de plus normal, fier de créer de bonnes chansons. Pas toujours franchement comique, soit.
Et comme eux, votre musique est plutôt mélancolique, alors que vous assumez une réputation de rigolos…
Dominic : Notre musique semble triste, mais c’est ce qu’on préfère composer. On ne voudrait pas faire des trucs trop légers, sans substance. On a choisi de donner le jour à un genre spécial.
La fin du monde est-elle prévue pour l’an 2000 ?
Stuart : J’aime le penser.
Dominic : Les gens croient qu’il va y avoir des catastrophes, des raz de marée… C’est quoi ce boxon ?
Stuart : Le ciel sera déchiré par des pattes griffues et on se dira tous « Toh ! On est cuits ! » Et la terre sera attaquée par…
Des tomates tueuses ?
Stuart : Je préférerais des singes tueurs.
Vous seriez tenté de composer des bandes originales pour le cinéma ?
Dominic : J’adorerais ça. Le cinéma nous inspire énormément.
Stuart : J’aimerais aussi faire des films. Dominic et moi sommes d’énormes fans de Batman et nous élaborons souvent ce que serait le Batman Ultime. D’autant qu’on n’a pas été satisfait depuis longtemps : le dernier film était désespérant de nullité.
Votre personnage de Batman favori.
Dominic : (très concentré) Le Joker, sans hésiter.
Stuart : Il est réellement 100% méchant sans raison. C’est un psychopathe. Très cool. Le Scarecrow n’est pas mal non plus : il tue ses victimes en les confrontant à leurs pires terreurs.
Dominic : J’aime aussi Poison Ivy, la garce originelle.
Avez-vous rencontré certains de vos héros ?
Dominic : Oui. Ozzy Osbourne et Kevin Shields. La première chose qu’Ozzy m’a dite, c’est (l’imite à la perfection) : « Vous vous appelez Mogwai ? Comme mon clebs ». On aimerait rencontrer aussi Johnny Rotten et Tom Waits.
On ramasse à vos concerts les victimes des stroboscopes… Combien de crises d’épilepsie à ce jour ?
Dominic : Beaucoup !
Stuart : Un soir, huit spectateurs ont été emmenés en ambulance.
Dominic : A Bruxelles, quinze personnes ont gerbé, pas mal, non ? Il y avait aussi beaucoup d’évanouissements, et pourtant on a supprimé le stroboscope.
Vous comptez les cadavres ?
Stuart : Non, on se contente de vider leurs poches pendant qu’ils sont inconscients, on leur fauche leurs dents en or.
Quels groupes ou artistes détestez-vous le plus ?
Stuart : Les pires en ce moment sont Skunk Anansie, Reef, Blur…
Dominic : Sans oublier Puff Daddy. Et Robbie Williams ! Et Gomez. Je les hais ! Ils m’agacent, on dirait qu’ils jouent un rôle quand ils chantent. J’ai horreur des gens qui changent leur accent pour chanter. Symposium mérite de rejoindre notre liste. Ils allaient appeler leur album 1967 ou 1968, d’après leur date de naissance, mais c’est déjà le nom d’un groupe que je connais. Je leur ai mis la pochette d’un de leurs disques sous le nez et j’ai cru que leur manager allait péter les plombs. Il hurlait « Comment va s’intituler ce disque ? ». Les Symposium voulaient nous tuer. Ils racontent des horreurs dans la presse. Poussés par un journaliste, ils ont tenu des propos anti-avortement entre autres…
Stuart : Et leur musique craint !
Lire notre critique de Come on die young