Après une flopée d’albums archi remarqués par la critique et le public, l’homme-oiseau, mal remis du succès d’un titre comme You’re gorgeous, a mis du temps à redéployer ses ailes. Après un album de transition en groupe -Baby Bird étant devenu Babybird, Steve Jones est revenu avec le fort beau There’s something going on. Il s’en explique paisiblement.
Chronic’art : Il y a deux ans, vous disiez : « Je ne suis pas aussi dépressif que mes chansons ». Est-ce toujours vrai ?
Babybird : Oui, tout à fait, je n’ai pas de tendance à la dépression. Il m’arrive de me lasser, mais ce n’est pas pareil, c’est en fait une forme de frustration.
Mais sur votre nouvel album, certains morceaux ne sont franchement pas gais…
C’est vrai. Mais en fait, c’était pour créer un contraste entre les textes et la musique, qui était assez exaltée.
Cet album est-il véritablement le deuxième album de Babybird le groupe, ou est-il dans la continuité de votre travail en solo ?
C’est difficile d’établir une différence entre tous ces disques, un nouveau disque est toujours la continuation des autres. D’ailleurs, je n’aime pas vraiment ce nom, Babybird. Il faudrait que je le mette à mort. Après les discussions pour savoir si c’est en un mot ou deux… Ce doit être en un mot, je crois.
Etes-vous superstitieux ?
Non, pas vraiment. Cependant, je crois à certaines choses. par exemple, il m’arrive d’être devant la télé, et de penser à un mot ou à une situation, et le mot est prononcé ou la situation arrive.
Il y a sur le disque un morceau qui s’appelle All men are evil. Et les femmes ?
En fait, le morceau dit que si tous les hommes sont mauvais, alors toutes les femmes sont bonnes. Je n’ai pas dit que toutes les femmes étaient bonnes, et que les hommes étaient, de fait, mauvais. Je ne voulais pas m’enfermer dans une idée, je voulais que ça reste ouvert. Ca vient en fait d’une phrase prononcée par des féministes, prétendant que tous les hommes étaient mauvais. Des lesbiennes séparatistes… Si le mal vient d’un côté, alors c’est de celui des hommes. Et particulièrement dans la société anglaise.
Vous disiez que tout groupe pop anglais écrivant une chanson ne pouvait le faire sans voler quelque chose aux Beatles. Et vous, que leur avez-vous volé ?
Les autres oui, mais moi, rien. J’en serais incapable. Je ne joue assez bien d’aucun instrument pour ça. De toute manière, je n’ai jamais été un gros fan des Beatles. J’en ai écouté lorsque j’étais jeune, parce mes parents avaient l’album rouge et l’album bleu. C’est tout.
N’est-ce pas arrogant ?
Non, ce n’était pas dit dans ce sens. Mais des groupes comme Oasis ont dit publiquement qu’il étaient heureux de voler au passé. Et là, ça prend toute sa signification. Prétendre que l’on peut faire aussi bien que les Beatles, c’est ça qui est arrogant. Oasis est un groupe de rock ; les Beatles, eux, avaient du talent.
Dans quelle mesure la frustration est-elle une source d’inspiration pour vous ?
C’est parce que la vie, vivre, ce n’est pas quelque chose de facile. Les grandes passions dans la vie sont des choses qui viennent naturellement, sans problèmes, mais c’est chose rare, et c’est pourquoi on en retire tant de plaisir. Dans la vie, il y a trop de règles qui la compliquent.
Mais cette frustration, vous l’aimez quand même…
Oui, bien sûr, il faut être frustré dans la vie. Souvent, c’est dans ces moments de frustration, lorsque vous vous demandez ce que vous allez faire que des choses positives se produisent. La frustration n’est pas un état très réjouissant, mais il faut en passer par là pour franchir de nouvelles étapes.
Avez-vous encore à cacher Steve Jones derrière Babybird ?
Non, pas vraiment. Mais c’est vrai que lorsque j’ai eu du succès dès mes débuts, avec You’re gorgeous, j’étais devenu le sujet de conversation préféré des gens. Et pourtant, c’était loin d’être ma meilleure chanson. Les gens s’intéressaient à quelque chose qui n’avait pas beaucoup d’importance pour moi. C’est finalement très frustrant, parce que ça a subitement changé ma vie.
Dans vos textes, l’idée de cruauté et de la distorsion du réel reviennent souvent. Pourquoi ?
C’est bizarre, parce que je n’ai pas l’impression de traiter des sujets aussi exceptionnels que cela. Il n’y a rien d’anormal là-dedans pour moi. Mes textes reflètent ce que je vois. C’est finalement très réaliste. Ce qui est anormal, c’est que bien souvent, la musique a pour seuls sujets l’amour, le bonheur, et ce n’est pas la réalité…
Propos recueillis par