C’est à Bertrand Blier que l’on doit la première incursion de Khaled au cinéma. C’était pour les besoins de la musique de « 1,2,3 soleil ». Une bande originale qui lui a permis de rafler plusieurs récompenses dont un prix à Venise et un César.
Son premier rôle, il le trouve actuellement aux côtés de Cheb Mami dans 100% arabica de Mahmoud Zemmouri. Le roi du raï y interprète Rachid, chanteur débutant dans un quartier populaire de la banlieue parisienne.
Occasion idéale pour rencontrer cet enchanteur qui promène sa musique et sa bonne humeur à travers le monde.
Chronic’art : 100% arabica est votre premier film. Que représente-t-il ?
Khaled : C’est un rêve pour moi. Mahmoud, je le connaissais depuis longtemps mais je l’ai vraiment rencontré en 89-90 à la sortie de son film De Hollywood à Tamanrasset.
Je lui ai dit : Écoute, tu es de mon bled, tu es le seul qui fait des films, des comédies. Pourquoi tu ne me demandes pas de faire l’acteur? Ca a pris un peu de temps, mais il m’a fait confiance et voilà. La seule chose qu’il m’ait vraiment demander, c’est de raser ma moustache… (rire)
La musique est omniprésente dans le film…
Oui, c’est une comédie très musicale. Ca m’a rappelé ma jeunesse, mes débuts. J’ai commencé comme ça dans un petit quartier où je chantais, je jouais de la guitare et un peu d’harmonica. J’étais le chouchou, la petite vedette du quartier… On me disait : « Vraiment, tu as une belle voix, pourquoi tu n’essaies pas d’enregistrer ? »
Quels sont vos souvenirs de cinéma ?
Nous, on avait beaucoup de films égyptiens… C’était nos Américains à nous, en Afrique du nord. Il y avait aussi les films hindous. Je les adorais car c’était des films très musicaux.
Sinon, j’adore les comédies, je ne regarde que ça. Je pense que quand on fait rire les gens, le courant passe mieux, on peut dire plus de choses. Je n’aime pas les films un peu agressifs comme La haine et d’autres qui excitent les gens. J’aime les artistes qui n’ont pas peur de dénoncer mais qui le font de manière positive sans agressivité.
Vous pensez que la situation décrite dans le film correspond à la réalité ?
Absolument. Je sors beaucoup. J’aime rencontrer les gens et on me parle beaucoup. Des fans viennent me voir pour me dire qu’ils ont un bac, un BTS… mais qu’ils ne trouvent pas de boulot. C’est terrible ! Un jeune, le pauvre, se casse le cul pendant 15-20 ans, on lui donne un papier sensé lui offrir du boulot mais non, il n’y a pas de place… Je parle pour les Français-Français aussi. Tout ca mène à l’extrémisme.
C’est ce que montre le film, cette perte de valeurs, de croyance?
Oui, le film parle de ça, il ne parle pas de religion. Je ne l’aurais pas fait si ça avait été le cas. Mahmoud dénonce ceux qui profitent de la religion et de la politique pour s’enrichir. Les gens sont souvent prêts à n’importe quoi pour de l’argent. Certains tombent dans la drogue, la délinquance. Je suis sûr que tu peux trouver très facilement des jeunes désoeuvrés, ici en France, qui pour 10 ou 20 000 balles sont prêts à tirer sur quelqu’un.
Le film montre l’envie de jeunes qui veulent aller loin, qui veulent bouger mais qui se sentent coincés et ne savent pas comment faire.
Comment s’est passé le tournage avec Cheb Mami?
Très très bien ! Dans le raï il n’y a pas de compétition. J’ai horreur de ça. Ca ne mène à rien. Moi, si j’aime une chanson de Mami, je la prends et vice versa… On est une famille. Bien sûr, il y a toujours des jalousies musicales comme partout, mais bon Mami et moi il n’y a pas de problèmes…
Dans le film, on voit des mômes qui piratent les concerts du groupe. Une situation que vous avez bien connue à vos débuts?
C’est exact ! Mais dans mon cas, je n’étais pas piraté par des petits mais par des grands gamins (rires). En fait ça m’a permis d’être reconnu plus rapidement.
Moi aussi quand j’était petit, je me démerdais. J’avais une petite marmite dans laquelle je préparais de la limonade fraîche que je vendais 20 centimes en plein été. A la fin de la journée, je rachetais la marchandise pour le lendemain et je donnais le reste à mes parents, car je suis d’une famille pauvre.
J’ai aussi été apprenti plombier, j’ai fait de la mécanique. Le principal c’est de se débrouiller. Je me suis arrêté en seconde, j’étais un vrai drogué de la musique. Mes parents voulaient que je sois professeur ou ingénieur. A l’époque, pour mon père, être artiste ou musicien signifiait débauche, drogue et alcool. Ca lui faisait très peur. Moi j’étais une vraie tête de mule, j’ai pris des coups mais maintenant je ne regrette pas et je remercie mes parents. Mon envie de leur prouver que je pouvais y arriver m’a vraiment motivé. C’est comme ça qu’à 14 ans j’ai enregistré mon 1er 45 tours. Mon père écoutait ma musique en cachette. Je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie sur cette musique en Algérie. Tout le monde aime le raï mais personne ne le dit.
Propos recueillis par
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