Ecrivain, éditeur, grand agitateur du petit monde des lettres, Dominique de Roux (1935-1977) élabora une œuvre qui n’a rien perdu de sa charge subversive. Eloge d’un clandestin.
Même mort, il dérange encore. Dominique de Roux, puisque c’est de lui dont il s’agit, fut un homme en état de révolte permanente. Grand bretteur de nos lettres, il s’en prit sans relâche aux idoles et aux fossoyeurs de son temps, ceux du « nouveau roman » en tête. Ayant le goût du secret, du jeu et de l’action, alliant vitesse et force dans une écriture portée par des décharges foudroyantes, il suivit un itinéraire de grand voyageur avant de se consacrer à la grande aventure de sa vie : l’édition. C’est ainsi qu’il réunit en une seule famille des témoins d’horizons différents au sein des Cahiers de l’Herne, dont il fut le fondateur. Ce fut le premier travail d’ampleur sur les écrivains du refus (Bernanos, Céline, Pound, Gombrowicz, Pierre Jean Jouve etc.). Il continua par la suite à fomenter des médiations entre auteurs et éditeurs en dirigeant les collections Classiques du XXe siècle aux Editions Universitaires et L’Herne 10/18 chez Plon avant de cofonder les Editions Christian Bourgois. Iconoclaste, il fonctionna à l’intuition et brouilla les pistes pour son unique plaisir. Sa stratégie : publier l’essentiel dans tous les domaines (philosophie, politique, roman). Son adage : « Je publierais mon pire ennemi, si je suis sûr qu’il a du talent. »
Si l’éditeur n’est pas à négliger, l’écrivain a tout aussi durablement marqué son époque. Héritier d’une tradition classique, il s’affranchit rapidement des formes, poursuivant ainsi la leçon de ses aînés (Proust, Joyce, Gombrowicz). Parcourue de métaphores guerrières, son œuvre demeure le témoignage privilégié des soubresauts et des contradictions de l’Histoire, car « seul le roman transcende l’événement, devient événement. » Ecriture illuminée, provocatrice, offensant sans répit les imbéciles. Car « la vie ne mérite d’être vécue qu’en termes de conventions démentielles. »
Homme de toutes les métamorphoses, Dominique de Roux fut l’un des derniers grands vivants de notre temps. Pour lui, la littérature ne faisait que débuter. Le cœur y était. Seules les heures lui ont manqué. Il est mort d’un arrêt cardiaque il y a vingt ans. Dans ce climat d’indifférence dépassionnée qui est le nôtre, pour qu’enfin cesse cette conspiration du silence autour de son nom, un seul mot d’ordre : lire de Roux.
Bibliographie sélective :
Le Cinquième Empire, Le Rocher.
Le Livre nègre, Le Rocher.
Les Dossiers H, L’Age d’Homme.
La Mort de L.-F. Céline, Christian Bourgois.
Immédiatement, La Table Ronde (La Petite Vermillon).