L’ Assemblée pour les communications et les technologies de l’information ouvertes et novatrices (l’@CTION) est une organisation créée pour agir en faveur du réseau et des nouvelles technologies. Encore ! Oui, mais attention, là, c’est l’équipe de choc !
Tête de l’art : Comment est né l’@CTION et pourquoi est-ce l’AFUU (l’Association française des utilisateurs d’Unix systèmes ouverts) qui en est à l’origine ?
Hervé Le Cornec : Effectivement, nous sommes essentiellement reconnus pour nos compétences techniques et notre activité, à l’origine, est de promouvoir Unix et les systèmes ouverts. Mais aujourd’hui les ordinateurs ne sont plus seulement réservés aux ingénieurs, aux programmeurs ou aux informaticiens. Le grand public et l’ensemble des personnels des entreprises, sans doute grâce à l’Internet, découvrent qu’ils peuvent eux aussi être des utilisateurs. Nous utilisons à l’AFUU le réseau depuis belle lurette et nous tenons à participer au grand rattrapage français. Nous avons découvert que certaines personnes agissaient pour la cause, mais chacune dans leur coin. Des hommes politiques surtout.
Ces gens là ont accepté, pour la plupart, de composer l’équipe d’@CTION, qui servira à fédérer le mouvement et à coordonner les actes.
Vous indiquez sur votre site vouloir mobiliser les pouvoirs publics en commençant par exercer un lobbying auprès des structures de décision. Lesquelles ?
Puisqu’en France, tout passe pas l’État, ce sont les politiques qu’ils faut d’abord harceler. Si le gouvernement s’enrhume, le peuple éternue !
L’une des premières actions que vous proposez est d’instituer chaque année une fête de l’Internet. C’est-à-dire ?
Nous travaillons sur ce projet avec l’IFI (l’Initiative française pour l’Internet) de Jean-Michel Billaut. Il s’agit de créer, dès le printemps prochain, une journée portes ouvertes dans les banques, à la poste, dans les entreprises… pour permettre aux grand public d’accéder au Net. L’idée serait que les gens jugent des pages Web réalisées par des enfants à l’école.
Oui… pourquoi les enfants ?
Parce qu’il est clair que le réseau et les futures inforoutes concernent surtout les générations à venir. Et puis les enfants sont un vecteur puissant pour convaincre les parents.
Ne faut-il pas commencer par les former, ces nouvelles générations ?
Bien sûr. L’association Netday, un consortium de constructeurs (Sun en tête, ndlr) qui s’intéressent au contenant du réseau, propose des kits de connexion aux écoles à prix coûtant. L’opération, d’origine américaine, existe en France puisqu’elle est expérimentée à Parthenay, par Michel Hervé, dans deux écoles, soit 22 classes. Il existe également Netday Europe pour les contenus qui proposent des sites pédagogiques aux écoles.
L’éducation nationale, c’est une priorité absolue. L’autre priorité, c’est les entreprises.
Alors justement, comment les convaincre si aujourd’hui le Net n’est ni rentable, ni sécurisé ?
Pour la sécurité, le premier ministre a annoncé la parution prochaine des décrets d’application libéralisant l’usage de la cryptologie. Ouf ! Les pédophiles, les nazis n’ont pas attendu l’Internet pour exister. Le réseau, c’est la voix publique. Il faut se décontracter un peu !
Pour la rentabilité… je vais vous donner un exemple. Au lieu de créer la Bibliothèque de France, on numérise tous les documents : le coût total de l’opération est réduit d’au moins la moitié. Et les abonnements sont moins coûteux pour l’utilisateur, donc plus nombreux. C’est cette idée qu’il faut développer aujourd’hui. Un constructeur automobile économiserait beaucoup d’argent à vendre et à présenter ses voitures (en VRML par exemple) sur le réseau. Au final, les prix seraient forcément plus intéressants pour le client.
Pour l’instant, c’est totalement irréalisable. Que faut-il faire dans l’immédiat ?
Évidemment, il faut d’abord faire prendre la mayonnaise. Le gouvernement a un rôle majeur à jouer. Aujourd’hui, équiper chaque classe avec un terminal Internet représente un milliard de francs, soit 0,3% du budget de l’Éducation nationale. Faisons-le ! Pourquoi ne pas instaurer également une « jospinette » sur le matériel informatique et multimédia ? On trouve maintenant dans les supermarchés des Pentium 120 à 4 990 F. Allons plus loin.
Certes, ceci dit, l’informatique et tout ce qui tourne autour repoussent les Français. Finalement, est-ce bien seulement un problème de coûts ?
C’est vrai pour les adultes, mais pas pour les jeunes. Et puis tout dépend maintenant de la qualité d’utilisation, d’installation/désinstallation notamment, des logiciels. Et qu’on oublie un peu les systèmes d’exploitation !
Vous envisagez également de créer un gouvernement virtuel sur Internet. Drôle d’idée, non ?
Ca faisait partie des projets évoqués lorsque nous nous sommes tous réunis le 1er juillet dernier. Pourquoi pas, puisque le gouvernement ne semble pas trop s’en préoccuper.
Allez-vous contacter les associations d’utilisateurs (l’AUI -Association des utilisateurs de l’Internet) ou de professionnels (l’AFPI -Association française des professionnels de l’Internet) ?
Bien entendu. Nous avons déjà des contacts avec l’AFTEL (Association française de la télématique multimédia) et le Club de l’arche.
Il semble qu’@CTION compte davantage de personnalités de droite, non ?
C’est vrai, mais nous contactons des gens de tous bords. Il nous faut vite équilibrer la balance, car l’@CTION n’est certainement pas une affaire de partis.
Propos recueillis par Cyril De Graeve
Les membres d’@CTION :
André Santini, Vice-Président de l’Assemblée nationale, Député Maire d’Issy-les-Moulineaux
Pierre Laffitte, Sénateur
René Trégouët, Sénateur
Patrice Martin-Lalande, Député
François-Henri de Virieu, Maire de Marly-le-Roi
Michel Hervé, Maire de Parthenay
Jean-Michel Billaut, Président du Club de l’arche, Compagnie bancaire
Thierry Miléo, rapporteur du Commissariat général du plan
Philippe Quéau, Directeur informatique de la division informatique de l’UNESCO
Pierre Faure, adjoint au Directeur du service informatique de Dassault Aviation, Président de l’AFUU
Ont également été contacté mais n’ont pas participé à la réunion du 1er juillet 1997 :
Jacques Attali
Jacques Dondoux, Ministre du commerce extérieur, Maire de Ste-Agrève
Anita Rozenholc, DATAR