Ou comment les States mettent le reste du monde, totalement déconnecté, devant le fait accompli.
Cet été, deux événements auront défrayé la chronique : le rapport Magaziner sur le « cadre général pour le commerce électronique global » rendu public par Bill Clinton, et l’investissement de Microsoft, à hauteur de 150 millions de dollars en actions, dans le capital d’Apple. Steve Jobs redessinant, pour l’occasion, un conseil d’administration qui accueille Bill Campbell (PDG d’Intuit), Jerry Work (ex-directeur financier de Chrysler et d’IBM) et, surtout, Larry Ellison, le bouillonnant patron d’Oracle.
Le premier événement fait d’Internet une zone de non-droit, totalement détaxée qui permettrait à l’économie américaine de contrôler le commerce digital du 21ème siècle et, de fait, d’imposer son bon vouloir, ses propres conditions.
L’autre, qui réunit autour de Jobs les ennemis jurés Gates et Ellison (avocat du Network computer), affiche au grand jour -et au grand dam de Netscape !- une puissante alliance stratégique probablement en mesure de définir et caractériser l’avenir technologique et communicationnel mondial. Étant entendu que l’accord profite surtout à la force obscure. Un, Microsoft impose son Office 98 et son Internet Explorer sur un marché Mac de 8 millions de clients potentiels. Deux, Microsoft se prémunit contre les lois antitrust de la Federal trade commission, très agaçante ces derniers temps.
Voici donc deux formidables tentatives honteusement culottées de s’approprier une bonne fois pour toutes les contenus et les contenants du cyberespace pour une nation qui, rappelons-le, compte en son sein les deux tiers de la population connectée.
Rageant, certes, mais peut-on désapprouver le gouvernement américain, décidément très pragmatique, dans sa volonté d’opter pour une politique libérale absolue en totale adéquation avec la nature même du réseau mondial ? Et peut-on reprocher à Bill Gates de vouloir sauver la firme de Cuppertino d’une mort lente mais certaine ?
Non bien sûr, car au-delà des intentions cachées, les résolutions sont pleines de bon sens et, nous le verrons à coup sûr, diaboliquement efficaces ! Et ce ne sont certainement pas les velléités européennes qui entraveront cette tragique hégémonie. L’Allemagne s’acharne à censurer le réseau et Christian Perret, secrétaire d’État français à l’industrie, indiquait récemment que « vouloir faire d’Internet une zone de non-droit reviendrait à laisser le champ libre à toutes les malversations » (Les Echos, 9 juillet 97). Texto !
Deux solutions donc : le refus catégorique ou la riposte active. Toute la question étant de savoir si l’on veut dans un proche avenir, fréquenter par intermittence une zone américaine stratégique conquise, ou s’installer durablement sur un septième continent pluri-culturel et international.
Voir le dossier Apple de Time Magazine