L’explosion du mouvement Big Beat, après des années de couveuse, est-elle la meilleure chose qui pouvait arriver à la musique ? Hmm, voyons voir…
Big Beat, Big Beat, à force d’enfler, la rumeur s’est transformée en raz de marée, sous l’impulsion des Dust/Chemical Brothers et de leurs soirées « Heavenly Social » du Turnmills. Les groupes fleurissent et chaque semaine apporte désormais son lot de gros son. Ce mélange de rock et de techno plus tout ce qu’on voudra bien y mettre semble avoir pris, mais n’est-ce pas, au départ, un mariage contre raison. Vouloir associer la musique la plus organique qui soit (le rock) et la plus artificielle (la techno) -dans son sens strict, bien sûr- relève de l’utopie. Les évolutions sont toujours souhaitables, et il était normal que vieilles et nouvelles formes d’expressions musicales apprennent à cohabiter, mais pas forcément sous le même toit. Il aura suffi de l’étincelle Chemical Brothers pour que la forêt s’embrase, et que le mouvement, sous l’influence vicieusement bienveillante de la presse anglaise, naisse.
Mais si la fusion des deux faux frères chimiques a pris, elle se suffit à elle-même et l’ériger en élément fondateur est aventureux. Les suivants, FatBoy Slim, Death in Vegas ou Propellerheads font une tambouille qui, si elle n’est pas indigne, est loin de valoir la grande cuisine sonore des frères susnommés, et encore moins tous les papiers encenseurs de la presse britannique et internationale. D’autre part, le Big Beat arrive à point nommé au moment où le Trip Hop (une appellation elle aussi sujette à controverse) tire la langue en haut de la côte et où les directeurs sportifs lui donneraient bien un petit coup, vite fait, pour précipiter sa chute dans la descente. Normal, direz-vous, un mouvement succède toujours à un autre, mais les faiseurs de hype ont vraiment un timing trop parfait. Enfin, cette profusion de styles musicaux et d’influences mélées au petit bonheur peut laisser penser que l’imagination est au placard, et que le recyclage des formules éprouvées est un pis-aller ou une assurance contre l’échec. Fédérateur le Big Beat, pas si sûr : on n’aura quand même jamais vu une tribu voler autant aux autres pour son propre profit. Car le genre ne s’adresse pas à tous, il vise une frange d’oiseaux de nuit et d’amateurs de musique parfaitement pré-sélectionnés, ceux-là mêmes qui organisent le pillage. Au résultat, le Big Beat, né trop à l’heure dite, pourrait bien souffrir de son image fourre-tout, à l’instar du diplomate, dans la vitrine de la boulangerie : au goût, ce n’est pas forcément mauvais, mais à bien y regarder, ça ne resemble pas à grand chose.