De Populaire, on pourra dire qu’il flatte la nostalgie morbide des vieux industriels à la retraite. Proie facile, on aura vite fait de lui trouver les pires relents droitiers, passéistes, identitaires, réactionnaires, nécrophiles, de voir sous les tailleurs-jupes une propagande pilotée en sous-marin par les Jeunes Pop. Croisade lasse, aussi encroutée que ce qu’elle s’imagine dénoncer (comment la naphtaline des années cinquante pourrait-elle éveiller une « nostalgie » en 2012 ?). On pourra aussi, au contraire, lui reconnaître un détournement subtil du passé, y voir un dialogue engagé avec le présent : la victoire féministe s’arrache à la force des doigts fins courant sur les petites machines Japy. Ce serait alors une nostalgie intelligente et tournée vers notre monde, comme celle de Hazanavicius, ou même, osons la comparaison, de Mad men. Le film se rêve à travers cette seconde vision, pas moins fausse que la première.
Inoffensif, Populaire n’a pas la moindre ampleur politique, et a le bon goût de ne pas s’en inventer une. Exempt d’un vrai geste de mise en scène, on aurait beau jeu de lui chercher un inconscient condamnable. C’est d’ailleurs son paradoxe : c’est bien un combat d’émancipation que mène Rose Pamphyle, petit parangon pastel d’intelligence féministe voilée par une tenue d’irréprochable dactylo. Combat implicite contre son patron Romain Duris qui lui donne du « mon chou », et qu’elle veut pouvoir aimer d’égal à égal. On devine bien les enjeux de son épopée dactylographique, filmée selon les règles du film de sport traditionnel – il n’y a de triomphe que social. Or, ce parcours est tout à fait programmatique, le problème est constamment regardé depuis un point futur où la cause est acquise depuis longtemps. Tout dans cette lutte semble aller de soi, comme si, dans la France de René Coty, la lutte féministe enfonçait déjà une porte ouverte. De là vient que chaque étape dans l’ascension de Rose a l’air gagnée d’avance. Et que les séquences de pianotage ne peuvent être de vraies scènes d’action. Que Populaire ne soit ni un film progressiste, ni un film conservateur, c’est très bien, mais il en oublie parfois d’être un film tout court.
On ne reprochera pas au gentil matraquage iconographique (images d’archives, pubs, coupures de magazines) de n’être qu’un exotisme un peu coquet, pubard lui-même. Au contraire, Roinsard parvient à travers le lustre à donner un peu de chair à cette romance en chaussons, mystérieusement plus habitée que celles des dernières romcoms en date. C’est peut-être, simplement, que le passéisme est resté complexé si longtemps qu’il respire la santé quand il se déploie avec un tant soit peu d’élégance, un peu comme le ferait une vraie bonne pub vintage.