Plus que jamais sous les projecteurs depuis qu’Obama s’est payé sa copie devant tout le monde, Just dance a justifié l’existence de la Wii en fin de vie. Enterrant les Guitar hero et autres Rock band (pas si casual que ça et plutôt onéreux), le jeu d’Ubisoft est non seulement le grand rythm game victorieux de cette génération (des dizaines de millions d’exemplaires vendus), mais aussi celui qui affirme la consécration pourtant discutable du détecteur de mouvement. Sans wiimote, pas de chorégraphies entre amis sur le « Hit des tubes » de l’année dernière. Tout cela n’a donc finalement servi qu’à ça, ce qui logiquement ne pouvait que pousser la licence vers la Xbox et son Kinect, ou la PlayStation 3 et son PS Move. Grand jeu populaire comme ses ainés, Just dance 4 est pourtant aussi peu exigeant que les précédents. Rien ne doit casser l’ambiance, la bonne humeur, la convivialité, pas la moindre difficulté, de véritable challenge (encore qu’en cherchant bien), même le pire danseur n’est pas rejeté dans les donjons de la honte devant une caméra (Kinect donc, notre version) d’un laxisme assez complaisant. Antithèse des Dance revolution ou Dance central (plus proches des rythm game avec instruments), Just dance c’est un peu la mort du gameplay, tout ce qui compte étant de participer, l’être ensemble, façon karaoké géant où tous les défauts de l’autre sont tolérés. Et peu importe encore que la playlist (ce qui veut justifier cette suite) mélange tout et n’importe quoi, souvent le pire de la pop au milieu de quelques classiques. Le côté fourre-tout assumé n’a pas d’autres ambitions que faire plaisir aux convives en sortant l’artillerie lourde des tubes NRJ music only.
Tout cela a inévitablement un côté gentiment effrayant, comme de pénétrer en connaissance de cause dans un club de beaufs, ou se jeter aveuglément sur le dance floor d’un mariage avec le pire Dj du monde. Just dance, c’est un peu le jeu de la tolérance absolue, ou de la gène partagée, qui forcément s’annule par la complicité et la solidarité. Pour celui qui le prendrait plus au sérieux, il répond à cette étrange obsession de l’époque, se cherchant dans ces grands mouvements collectifs et dansés qui font les succès des Flash Mob et autres retour en force de la comédie musicale. Faut-il donc voir dans la Wii, en dépit de son déclin rapide mais de son influence majeure, un objet symptôme, un signe de son temps ? Si l’ambition de Nintendo (jouer ensemble) est depuis toujours la même que Just dance (qui ne fait que s’appuyer sur la console), le succès du jeu n’est pas un hasard. Par son désir de communion, cette volonté aussi de nous désinhiber sous l’oeil amusé de l’autre, il opte pour la voie du festif, sans se soucier vraiment de la qualité, jusqu’à dire que la vulgarité lui va bien ; après tout elle est aussi dans l’air du temps. Ce serait sans doute faire un mauvais procès au jeu, que de le mener trop loin en l’accusant de participer à un certain état des choses. Mais comme rien n’arrive sans raisons quand on génère un tel phénomène, sans doute que derrière ce bête jeu de danse qui voudrait voir fondre notre timidité, il y a un peu plus que ça. Une quelconque quête de cohésion un peu bizarre, toujours suspecte.