Excédée par la vie suffocante qu’elle mène à Buenos Aires, Soledad, jeune conductrice de taxi, décide un jour de tout plaquer afin de courir les routes d’Argentine. C’est ainsi qu’à la suite d’un accident de voiture, elle débarque à Rio Pico, petit village radicalement coupé du monde et dont la principale attraction est le cinéma. Un cinéma qui a la particularité de projeter des films montés partir de bouts de bobines, et qui content des histoires mutilées, enchevêtrées, décousues. Soledad découvre alors qu’au grand désespoir des parents, les jeunes du village agissent et parlent dans un désordre identique à celui des films qui les bercent depuis leur enfance…
Avec cette comédie qu’il est parfois difficile de suivre, Alejandro Agresti, cinéaste argentin encore méconnu en France, signe une tendre et émouvante réflexion, non pas sur le cinéma, mais sur l’impact que ce dernier a sur le spectateur. En effet, à travers l’œil de Soledad (interprétée par la charmante Vera Eugenia Fogwill), on assiste à un échantillonnage des différents pouvoirs du septième art. Pouvoirs positifs comme par exemple cette capacité à faire rêver le public, mais également négatifs avec notamment cette influence avilissante sur la vie quotidienne. On pense beaucoup à Cinéma Paradiso, mais également à Scream, deux films qui, malgré une opposition totale des genres, confrontaient déjà le spectateur à sa propre image. C’est donc dans son traitement que Le vent en emporte autant se différencie. Un traitement qui offre paradoxalement au film sa force et sa faiblesse. Tout d’abord amusé par ses personnages oniriques (avec notamment un Jean Rochefort excellent dans le rôle d’un vieil acteur cabot et alcoolique), le spectateur est rapidement décontenancé par des situations qui, malgré la poésie qui s’en dégage, sont bien trop insolites pour être crédibles. Cependant, malgré les nombreuses imperfections qui font de ce film un hymne au cinéma maladroit mais touchant, on peut louer la croyance que le cinéaste possède vis-à-vis du septième art. Une croyance si intense qu’elle permet aux différents villageois de ne pas se pervertir dans la grande ville de Buenos Aires, précisément là où la prise de pouvoir militaire fait rage, et ainsi de garder une certaine naïveté, pour ne pas dire fraîcheur. Ne serait ce que pour cette foi dans le cinéma, ce film mérite d’être vu.
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