D’abord, coupons court au débat : dans le duel qui oppose désormais chaque saison PES et FIFA, le jeu d’EA a atteint un degré d’aboutissement qui le place au-delà du jeu de Konami. Comme on l’écrivait récemment (voir Chronic’art #78, en kiosque), FIFA simule la représentation du football bien plus que le football lui-même, c’est-à-dire sa conception médiatique et une perception du jeu qui relève désormais d’un attachement absolu aux détails (ralentis, gros plans, palettes graphiques et statistiques). Transposé en jeu vidéo, cela donne une gestion des collisions inédite et une volonté de construction poussée à l’extrême, laissant peu de places aux fulgurances brouillonnes. Sur ces points précis, le jeu d’EA a gommé les imprécisions de FIFA 12 et concrétisé ses promesses, pour arriver à cette vision d’un football total, là où PES s’est perdu sur le chemin des dernières consoles, ne sachant se libérer des routines de programmation et de ses mécaniques grossières et archi-éprouvées.
Cependant, pour qui se souvient des épisodes passés sur Playstation 2 (voire des fabuleux International Superstar Soccer sur Super Famicom et Nintendo 64), il est impossible de ne pas trouver chez PES 2013 un charme suranné faisant écho à sa gloire passée. Si le jeu ne peut toujours se départir d’une certaine rigidité qui met mal à l’aise face à la souplesse et la fluidité de FIFA, il faut souligner le ré-équilibrage du rythme du jeu, et surtout son système poussé de contrôle de balle et de dribble, qui permet de tenter à passer un petit pont ou déstabiliser son vis-à-vis d’un contrôle orienté. S’il fallait résumer, on dirait que FIFA est cartésien là où PES est pascalien. Le joueur y mise sur une destinée qu’il rêve d’accomplir mais qu’il soumet en dernier lieu au caprice du programme. Et c’est à ce prix, qui fit tout le génie original de la série, que surgissent des instants de grâce tout à la fois rares et généreux : un enchaînement contrôle amorti reprise de volée, un double contact placé le long de la ligne de touche, ou encore un coup du sombrero suivi d’une frappe surpuissante. Autant de gestes modélisés avec tout le soin du monde, et qui rappellent la grandeur d’un sport dont le succès irrationnel tient précisément de ces instants magiques.
Moins calculateur et ponctuellement plus jouissif que son rival, il faut reconnaître à PES d’avoir su s’échapper d’une course perdue vers un réalisme de retransmission télévisée (même s’il tente le coup en reprenant l’habillage de la Champion’s league, au final vite lassant). Ce qu’il propose d’éprouver se situe ailleurs, logé dans la suspension du joueur à son devenir et prêt à basculer dans l’allégresse d’un mouvement réussi. C’est pour cela qu’on lui pardonnera volontiers ses faiblesses, comme l’on revoit avec nostalgie un match passé, moins technique et moins rapide que selon les standards du jour, mais dont l’intensité dramatique a laissé des souvenirs impérissables. Comme une manière aussi, en définitive, de libérer le jeu vidéo de son présent permanent.