Le Guetteur commence par un trailer efficace, qui confirme l’argument de vente du film de Placido : la confrontation entre le flic Auteuil et le voyou Kassovitz. Face à face intense, cadré-décadré serré sur les visages, buriné pour l’un, renfrogné pour l’autre. Bien sûr, le bureau du commissaire est froid, l’échange sec et le tout est déjà accompagné de la bande-son crissante et métallique dont Placido va affliger l’intégralité de son récit et nous avec. On a déjà vu cette scène cent fois, ici – le polar américain haut-de-gamme qui est le grand rêve du film, un étalon quelque part entre Mann et Fincher – ou plutôt là – le téléfilm français avec légistes et procureurs type Engrenages. Mais il y a néanmoins dans le monologue du flic la petite promesse d’un polar : Auteuil désigne Kassovitz comme le sniper sans identité qui a fait un carton sur toute son équipe lors d’une opération récente. Qui est-il et comment va-ton le mettre en scène et raconter la bonne vieille confrontation entre ces deux héros du polar urbain, le flic et le tireur d’élite ? Hélas, Le Guetteur ne sera pas ce film. Plutôt une suite d’effets de style maladroits et un embrouillamini d’intrigues lourdingues.
Après la séquence qui montre en flash-black la fusillade où le sniper a tiré sur les policiers, moment de bravoure qui a dû avaler la moitié du budget du film avec effets de réel, mixage bruyant et tout le tremblement, on suit la cavale ultra classique du gang qui va cacher un de ses hommes blessés à la campagne, puis on retourne à la case-départ : le bureau du commissaire et Kassovitz enfermé dans son mutisme. A partir de là, toute promesse d’un polar qui s’en tiendrait à son sujet est abandonnée. Certes, on va en apprendre sur le sniper, rien que du très banal d’ailleurs – ancien militaire d’élite en Afghanistan, déserteur à la suite d’une sombre affaire impliquant le fils du commissaire, etc. Mais très vite, le film est comme happé par ses tics formels, le récit construit selon un principe de fragments mal agencés qui voudrait créer du mystère quand il provoque l’ennui et empêche de croire aux personnages et à ce qui leur arrive. L’accumulation des clichés – la nuit, les phares de voiture, la pluie, le sang, la torture -, la musique ronflante et omniprésente et surtout, l’irruption-surprise d’un serial killer sexuel post-Millenium et vaguement inspiré de Michel Fourniret, achève de transformer le film de Placido en polar grandiloquent sans queue ni tête.