Tiré d’un livre-enquête sur une brigade de policiers antiémeutes, le premier long-métrage de Solima fils fait d’emblée craindre le film à thèse envahi de séquences édifiantes. Au final, s’il n’évite pas vraiment l’écueil de cette petite forme sociologisante, c’est moins par la volonté de décrire l’état nécrosé de l’Italie que par le souci de racheter idéologiquement son sujet. Entre séparation douloureuse des parents, adolescence perdue, et faible pension de la mama promise à la rue, le scénario convoque ainsi tous les âges de la vie pour un grand sabbat de la misère autour duquel viennent s’écorcher ses personnages de flics. Héros, peut-être, mais surtout paumés, leurs faiblesses sont autant de raisons pour jouer de la matraque en dehors des heures de travail. C’est là bien évidemment la part la plus pauvre du film, quand on pressent que Sollima tente de greffer le paternalisme misérabiliste des fictions de gauche sur la trame de vigilante-movie implacable qu’il semble vouloir lointainement revendiquer. Car au fond le problème demeure tout le long du film : comment la caméra peut-elle s’accrocher nerveusement à la semelle de ces flics tumultueux sans en faire des monstres ?
A cette question, Sollima apporte une réponse assez simple : il suffit de filmer chaque protagoniste de manière tout autant monstrueuse. Monstres contre monstres, veuleries contre lâchetés, racisme contre racisme : le film organise une déflagration de haines et de ressentiments d’où personne ne sort indemne. Flics, pauvres, néo-fascistes, immigrés ou hooligans, chacun communauté semble dressée l’une contre l’autre. Cet arrière-fond nihiliste, s’il a pour lui l’avantage de renvoyer tout le monde dos à dos, finit de dévoiler l’essence du projet : réaliser un film rigoureusement anarcho-droitiste où c’est moins la loi qui est célébrée qu’une forme d’ordre privé et fraternel, dernier rempart contre la chienlit. Film peu aimable, donc, mais dont le vrai problème vient de ce qu’il tente, un peu piteusement, de maquiller sa nature. En disposant d’un jeune flic intègre dans cette petite communauté policière nostalgique du Duce, Sollima feint d’en filmer le contre-champ, ce qui se révèle impossible tant les plans sont entièrement dévolus au groupe qu’il suit.
Que peut-il rester alors d’acceptable une fois démontés les petites hypocrisies idéologiques dont se voile le projet ? Une scène certainement. Celle d’un des policiers qui, venu pour terroriser une famille d’immigrés occupant illégalement un logement social, finit par renoncer à son projet en entendant leurs voix à l’interphone. Moins par conviction que par fatigue. Moins par ce qu’il voit que par ce qu’il entend. Comme chez Kathryn Bigelow, les corps des héros s’écroulent parfois dans des haussements d’épaules et de simples murmures. C’est à peu près tout, mais ce n’est pas rien.