En fait de programme, les éditions Books proposent rien moins que La Fin des punks à Helsinki vue depuis l’ex-Allemagne de l’Est par un auteur tchèque. Jaroslav Rudis, avec un parcours éclectique (de la pub pour bière au mangement de groupe punk, en passant par le scénario), n’y va pas par quatre chemins et offre à la Tchéquie un nouvel écrivain à succès, très loin de la référence tchèque traditionnelle d’un Milan Kundera.
La Fin des punks à Helsinki, le titre dit à la fois tout et rien. Rien : il faut aller au bout pour rassembler tous les fils. Tout : on y suit le quotidien d’Ole, la quarantaine tout juste entamée, heureux propriétaire d’un bar crasseux et enfumé. Derrière lui, ses folles années de jeunesse, quand il était le guitariste d’Automat, duo de punk est-allemand. Une grande tournée européenne qui devait s’achever à Helsinki prématurément interrompue avec la découverte de la véritable identité du manager du groupe, agent de la Stasi, puis les aléas de l’existence, la vie telle qu’en elle-même, les idéaux de jeunesse se sont faits nostalgie, et Ole vivote, gobe ses pilules contre la mort, rumine ses abandons, livre ses états d’âme. Ex-rebelle en 2010, pas facile.
En parallèle à son témoignage, on lit le journal intime post-Tchernobyl et pré-chute du mur d’une punkette tchèque, Nancy, 17 ans, fascinée par les Sex Pistols et les Toten Hosen, la gorge toujours douloureuse, merci le nucléaire, la rébellion portée en étendard, position pas facile dans sa petite ville de Tchécoslovaquie communiste. Elle balance en vrac son quotidien, ses rêves, ses doutes existentiels d’ado intraitable. Sa jeunesse et ses engouements contrastent avec la désillusion d’Ole et font curieusement écho à un Manifeste des gens beaux, parenthèse dans le roman, ode hargneuse à la destruction du bobo sous toutes ses formes, rédigée par sa propre fille, intraitable activiste.
Jaroslav Rudis recèle une énergie communicative, et quelques très belles trouvailles : le cinéma privé porno caché dans un mur du bar d’Ole, la fille aux oiseaux, Franck et son histoire du monde revisitée pour baby-foot, les souterrains qui se creusent sous la ville et laissent couler du sable le long des murs. Point commun à tous ces personnages décalés : l’abandon, la quête de soi, l’errance. Une bonne dose de dérision est de mise, bien sûr. Mais Jaroslav Rudis propose un roman de la jeunesse éternelle opposée à la moulinette des vieux cons souvent étonnamment jubilatoire. Parce qu’il semblerait que les punks d’autrefois aient gardé leur acidité. Conclusion de circonstance : « Personne ne peut gagner, parce qu’à la fin, on finit toujours par être à bout de forces ».