La comédie US Serial noceurs est traversée par cette idée plutôt généreuse que finalement, « faire partie de la famille » tient surtout à une question de volonté individuelle. Celle du renforcement du lien humain par la fête, indépendamment du fait qu’au final vous soyez un parfait étranger uniquement là pour profiter des petits fours, des cocktails et des bouffées d’érotisme propre à la contamination symbolique et sociale d’un hypothétique « plus beau jour de sa vie ». Faire partie de la famille ou plutôt être identifié comme tel, consiste à distraire la table des enfants avec des sculptures en ballons, à porter des toasts émouvants (bien que personne ne puisse se rappeler à quel branche de la famille vous appartenez), à faire danser la tante Huguette, à faire preuve d’un bagout suffisant pour faire rire toute une tablée.
Transposée au monde médiévo-historico-foutraque développé par Tecmo et W-Force depuis plus de dix ans, développer du lien humain dans l’immense banquet jubilé de Warriors orochi 3 signifie surtout reprendre sans cesse les armes et naviguer au gré des missions (comme on passerait de tables en tables de convives) en négligeant le moins de monde possible. A la hauteur du casting gargantuesque (130 personnages jouables à débloquer progressivement) de cette synthèse pléthorique du genre « musou », on se suspend aux mêmes dilemmes que dans une itération de Pokémon. Comprendre, l’acquisition progressive de ces guerriers charismatiques et fantasques s’accompagne toujours de la conscience mélancolique qu’à moins de bénéficier de six mois de chômage et d’une ténacité confinant à l’autisme, il sera impossible de les accompagner tous et toutes au bout d’un leveling libérant le climax de leur volonté de puissance.
Il faut, à regret mais dans la joie jeter son dévolu et faire corps, par exemple, avec Himiko, la petite peste kawaï et ses étranges totems volant qui déchirent le champs de bataille de puissants lasers, ou réécrire une page d’histoire avec Jeanne D’Arc à qui on fera attribuer une victoire décisive contre Nobunaga Oda, véritable seigneur de guerre de la période Sengoku. Et pourquoi pas inviter, à ces festivités dont l’hérésie historique donnerait des suées à Alexandre Adler, Ryu Hasabusa, le Ninja « guedin » emblématique de Tecmo à une virée punitive dans la chine médiéval de la bataille de Xuchang ?
En sus de cette véritable ode à la partouze martiale décomplexée et libérée des contingences du temps et de l’espace, le buffet et ses assiettes composées ont de quoi nourrir un régiment. A chaque combattant une poignée d’arme, fusionnables entre elles et héritant d’un certain nombre de pouvoir. Ce système malin permet à terme de créer de véritable monstre de guerre tout en laissant la part belle à l’aléatoire de ce qu’on va trouver chez le marchand.
Au programme des réjouissances encore, un mode d’édition de niveau sans doute limité mais fonctionnel, des centaines de wallpaper et de costumes à débloquer et un mode en ligne, hélas un peu vide en guide de piste de danse de cette réunion de famille qui ferait passer le roaster de Super smash bros brawl pour une salle de bingo dans une maison de retraite en pleine canicule du mois d’août.
Ce que Serial noceurs s’est bien gardé de dire, c’est la difficulté de retenir tous les noms, l’impossibilité d’être partout, de créer du lien humain suffisant pour délier les langues sur les anecdotes familiales ce qui dans le contexte de Warriors orochi 3 revient à conditionner le déblocage de toutes les missions. On aurait aimé les voir tous ces embranchements… si seulement il n’imposait pas de devoir reprendre des héros de niveau 1, les faire combattre ensemble pour espérer leur faire apparaître de nouveaux objectifs, complétant une fois pour toutes l’impressionnante arborescence. Warriors orochi 3 fait par-là, et c’est sans doute l’un de ses seuls défauts, souffrir le joueur de son abondance festive déraisonnable. Au-delà de son titre acquis de « musou » ultime, il est ce cousin généreux, sociable, bout en train jusqu’à en devenir relou, qui essaye à tout prix de vous sortir de la torpeur d’une digestion lourde et des rives toutes proches d’un coma éthylique bien mérité pour vous traîner encore une fois sur la piste de danse de son champs de bataille jusqu’à l’épuisement total de votre patience et de vos forces.