L’une allant chacune dans le sens opposé de l’autre, les deux licences EA stars de la génération précédente en matière de sport dégénéré ne vont pas très bien. Burnout s’est ramolli en empruntant la structure open world, SSX s’est cassé la jambe en la quittant.
Le grand choc de SSX 3 tenait dans sa montagne, unique, aux reliefs et aux périls variés, majestueuse, qui de la simple et longue descente (près de 40 minutes) via de multiples pistes possibles (et jamais interrompu par des chargements) délivrait soudain le genre de la stricte compétition pour l’ouvrir à une idée du plaisir plus solitaire, véritablement freestyle. Ici s’exprimait le grand style SSX : la griserie de la vitesse mêlée à l’ivresse de la liberté sans impératif, le high score « si je veux », et accompagné par une bande sonore impeccable là encore parfaitement contextualisée sous la forme d’une station de radio (malgré son irritant Dj). SSX on tour, bien que moins bien structuré, moins unitaire compensait par des tracés fous furieux, testostéronés et une identité visuelle plus rock’n roll, joyeusement débile.
Partant de l’idée (pas idiote) de capitaliser sur l’aspect réseau social induit par le On-line de cette génération de machine, ce SSX aux allures de reboot défait le bel héritage de SSX 3 et emmène la licence vers des pistes noires d’ennuis. En réaction con-con du casualisme ambiant, les pistes deviennent rapidement difficiles, bardées d’obstacles, criblées de ravins, de trous béant et refusent à ses skieurs le simple plaisir de les descendre à leur rythme. Le joueur atterrit littéralement sur les pistes en sautant depuis un hélicoptère, de façon presque militaire, brisant l’idée directrice d’unité de lieu. Mais c’est normal, c’est la guerre. SSX a désormais un scénario avec un méchant qui a chipé tous les sponsors et qu’il faut poursuivre de montagnes en montagnes autour du globe pour exploser ses scores (une tâche paradoxalement simplissime au début, à se demander comment il a pu obtenir sa place de rival). Si on retrouve la belle intuitivité séminale de la licence saut+tricks+boost, elle se trouve rapidement polluée par un amas de gadgets. Telle piste doit être descendue de nuit avec un casque muni d’une torche (différents modèles, ayant chacun leur spécificités à acheter avec les crédits récoltés), telle autre avec un piolet, tel autre avec un cumul de plusieurs équipements. Enrichissement du gameplay en toc, cette RPGisation n’a d’autre effet que plonger le joueur dans un abîme de perplexité, de lui faire perdre du temps dans des spéculations de choix ineptes et de briser l’immersion, le plaisir de l’immédiateté.
Graphismes peu convaincants et pas tellement supérieurs à ceux de la génération précédente, bande sonore à dominante dubstep réduite à des portions individuelles (un ou deux morceaux par piste, adieu l’idée d’une station de radio homogène !), absence de skieurs non pros qui donnaient de la vie et de l’amplitude à la surface de jeu, mode online risible (on ne se bat que contre des ghosts, en différé donc), pistes spectaculaires mais inutilement périlleuses et bien mal inspirées (avec l’alibi malhonnête d’un bouton de retour en arrière), volonté de vendre du matériel en DLC… N’en jetez plus ! SSX c’est un peu la politique de droite sarkozyste appliquée aux sports de glisse. Faire payer les masses, faire peur, se la jouer « rigueur », restreindre les libertés acquises, faire des confettis de l’héritage d’une sublime unité, avec le culot insensé de prétendre être moderne.