L’apocalypse, encore et encore. En la matière, Perfect sense fait remonter le souvenir, pourtant dispensable, du Blindness de Mereilles, et réussit à faire pire. Même pente auteurisante suivie avec un lyrisme identiquement pompier et, surtout, pitch quasi-identique: frappée d’une soudaine et étrange pandémie, l’humanité perd progressivement l’usage de ses sens. Au coeur du chaos, tandis que la population avance lentement vers le blackout, un couple se forme et tente, malgré l’effacement progressif de ses perceptions, de jouir de sa passion jusqu’à la fin. L’idée elle-même (filmer l’éveil des sens en même temps que leur extinction), et le prisme romantique choisi pour filmer la fin du monde, intéressent a priori. Et d’ailleurs c’est quand il s’en tient au couple formé par Ewan McGregor et Eva Green (dont les talents s’accordent parfois remarquablement), c’est quand il dérive de son ancrage fantastique vers l’hypothèse d’un Dernier tango à Glasgow, que le film s’avère le moins raté. Reste que ces moments-là ont vraiment du mal à surnager dans la fresque décorative, vraiment hideuse, que Perfect sense orchestre tout autour.
De ce point de vue, le film marque surtout le triomphe d’une esthétique publicitaire qui, si elle n’a rien de neuf, a rarement semblé aussi décomplexée qu’ici. Voix-off, ralentis, slogans moralistes sur le sens de la vie, montages parallèles mondialistes parfaitement grotesques (« pendant ce temps-là, à l’autre bout du monde… ») : se rêvant traité philosophico-moral sur l’aseptisation progressive du monde, Perfect sense se contente de vendre la fin des temps comme s’il faisait la réclame d’une assurance vie. Aucune raison de s’inquiéter pour MacEnzie, cela dit : rejoignant celle d’un Danny Boyle, l’ambition de ce petit pensum sentimental devrait probablement ouvrir à sa carrière les portes d’un similaire succès.