Attention, spoiler : à la fin, Lellouche encule Dujardin. Le film se finit presque là (presque, c’est un problème, on y revient), c’est la fin du dernier sketch, sur les draps d’un hôtel de Las Vegas, Lellouche en nage s’active sur Dujardin qui serre les dents parce que l’autre y va un peu fort. Sans surestimer son audace, il faut reconnaître à ce plan brutal d’être le seul à prendre au sérieux l’ambition déclarée du film : mettre à poil le mâle national, c’est donc aussi, et c’est plutôt inattendu ici, démasquer l’inconscient qui, du Coeur des hommes aux Petits mouchoirs, bouillonne depuis longtemps derrière le portrait national de la camaraderie virile. Le sketch (qui ouvre et clôt le film), s’il est hideux, est assez drôle dans son principe. Lellouche et Dujardin trompent leurs bourgeoises main dans la main, pour ainsi dire déjà en couple, jusqu’à ce que cette promiscuité les dirige vers l’évidence d’un coït entre copains. Libéré par l’horizon de cette morale, c’est aussi, de tous les sketches, celui où le programme beauf promis par les affiches est le plus assumé. Et c’est finalement son mérite parce que, jouissant sans entrave de sa misogynie, c’est aussi le seul à trouver la voie de l’ironie, et aussi un petit peu de l’idéal qui est le sien, quelque part entre Amérique contemporaine et Italie des années 60.
Et c’est frappant de voir combien les autres sketches (hormis ceux d’Alexandre Courtes, navrantes pantalonnades télévisuelles) sont précisément dépourvus d’ironie, comme si le film cherchait à travers eux à se faire pardonner les excès qu’il s’est autorisé ailleurs. De celui d’Hazanavicius (qui coiffe d’une morale à la Risi, seul beau moment de son segment, un tableau houellebecquien vraiment faible, sans idées, et vraiment pas adapté à la palette limitée de Dujardin), à ceux, horribles, de Bercot et Lartigau, tous baignent dans un grotesque esprit de sérieux dont la componction très volontariste (les machos, eux aussi, ont un petit coeur qui bat) renvoie toujours en dernier ressort à cet entre-soi virilo-français à qui le film ailleurs fait mine de régler son compte, et dont la misogynie décomplexée reste bien la signature – pas un regard vrai pour les personnages féminins.
D’autant que l’épisode sodomite à Las Vegas, lui-même, a vite fait d’être corrigé. Pour maintenir la force comique d’une telle scène, il aurait fallu que le film, juste après, ne cesse pas de prendre au sérieux l’hypothèse, que les personnages semblent, réellement, révélés à eux-mêmes. Au lieu de ça, sur la terrasse où ils sont sortis prendre l’air main dans la main, Dujardin et Lellouche jouent les pédés, et en font des tonnes, visiblement pressés de chausser les gants sanitaires de la bouffonnerie pour prendre le gag du bout des doigts. Parti s’encanailler en Amérique, ils laissent les Farrelly dans la chambre, et, sur la terrasse, retrouvent la Cage aux folles. Sacrés Français.