Premier long-métrage depuis Basse Normandie (huit ans déjà), premier long-métrage de fiction depuis Saint-Cyr (douze ans) : c’est peu dire que le retour de la réalisatrice de Peaux de vache et Travolta et moi était attendu. A cette aune, Sport de filles commence par décevoir, notamment au regard de Basse Normandie, avec lequel il forme de toute évidence une sorte de diptyque, et dont il se voudrait sans doute le versant fictionnel. Mazuy et l’univers du cheval, épisode deux : dans le précédent, la cinéaste, avec son compagnon Simon Reggiani, retraçait la préparation d’un spectacle équestre qui devait les mener au salon de l’agriculture et débouchait surtout sur une ballade très libre, très inventive, dans une France rurale rarement explorée par ses cinéastes (ses habitants, ses élus, leurs subventions aléatoires).
Par contraste, Sport de filles apparaît d’abord plus contraint, plus refermé sur son petit univers, au sujet duquel Mazuy mise sur une fascination qu’elle semble considérer acquise. L’autre grande différence tient à sa volonté d’introduire de la fiction, du drame même, dans ce monde qu’elle connaît manifestement très bien. Le problème, c’est que les deux paraissent d’abord faire l’objet d’une simple juxtaposition, là où ils devraient pouvoir se mêler, s’articuler du moins, avec un minimum de fluidité. Gracieuse (Marina Hands) monte à cheval, le dompte, esquisse quelques pas : c’est assez beau et énergique, même s’il faut bien reconnaître que cette séduction tient aussi à des effets faciles (usage attendu de la bande son rock). Puis elle descend, et voilà que sont introduits les « enjeux », de manière un brin scolaire : une trentenaire qui se cherche, un couple qui bat de l’aile. Cet aspect là n’est que très inégalement convaincant : Marina Hands peine à nous faire croire à son personnage rugueux de cavalière monomaniaque, imperméable au monde et aux êtres qui l’entourent. Plus réussie, la partie autour de Bruno Ganz (plutôt bon, si Mazuy n’en faisait pas un usage aussi visiblement iconique), hésitant entre une Josiane Balasko autoritaire qui le tient par les cordons de la bourse et une riche américaine allumée, cède aussi à certains automatismes (les mêmes qui s’observent, pour faire vite, dans n’importe quelle série américaine sérieuse). C’est d’autant plus dommage que dans Basse Normandie, la cinéaste avait su parfaitement, sans ostentation, interroger les particularités de son mode de vie un peu alternatif réglé par cette passion pour le cheval (et le cinéma) – une dimension effleurée ici, et finalement négligée, Mazuy se montrant surtout intéressée par le portrait de ces géants-revenants caractériels du monde du domptage, autour desquels elle gonfle un mythe qu’il est permis de trouver légèrement forcé.
L’entreprise « prend » pourtant peu à peu et donne sa pleine mesure à l’occasion d’une belle échappée en Allemagne, sorte de long finale étiré qui s’avère, pour le coup, tout à fait étonnant. Il est rare de voir un film parvenir à donner une telle impression de délitement, de dissolution de toutes les certitudes. Gracieuse marche-t-elle vers un triomphe ou se révèle-t-elle complètement cinglée ? Bruno Ganz bienfaiteur ou satyre ? Et ce mal de tête lancinant : banale conséquence d’une chute ou prélude à quelque chose de grave ? C’est moins l’aspect de « ruse » scénaristique qui est intéressant ici (même s’il est à considérer) que la recherche d’un rythme pour le moins distendu, alternance de sur-place et d’accélérations soudaines permettant d’exprimer à merveille ce moment où les perspectives s’ouvrent, se referment, où les décisions se prennent. Pas tout à fait convaincant sans doute, mais grand choix de tempo – et beau film in fine.