Avoir fait le tour d’une dub techno lisse et mélodieuse en quatre ans (sa compilation Unknow exceptions : selected tracks 2004-2008), pour tout reconstruire dans la salissure et définir ainsi une esthétique sonore dépassant l’étiquetage originel (sa filiation directe avec Basic Channel et Claro Intelecto), tel est le résumé des six derniers mois de l’actualité discographique d’Andy Stott. Passed me by, sorti il y a à peine un semestre chez Modern love, faisait figure de premiers pas de côté, de désaccord avec une forme musicale usée par le producteur lui-même. La mue s’est traduite par un amour notable pour l’obscurité sonore: le jeu consistant à aligner toutes textures et rythmiques le long d’un spectre de fréquences basses souillées et fantomatiques au fur et à mesure de la progression de l’album. Non pas que l’idée fut révolutionnaire – elle épouse le postulat d’un paquet de musiques de niche (doom, drone, tape rework…) – néanmoins, à ce niveau, Passed me by permettait d’étalonner la production « art-techno » contemporaine. De l’approche rythmique pure, école Skull Disco, aux constructions bruitistes d’un label comme Subtext, tout le monde a pu établir des références sans pour autant s’accorder sur un consensus précis.
We stay together arrive donc peu de temps après cet album sorti de nulle part, toujours sur Modern Love. EP 6 titres davantage construit dans une optique « peaktime d’une soirée House of Gods », il se fonde sur le terrain d’expérimentation qu’était Passed me by tout en en réduisant l’écriture rythmique. Hormis l’intro brumeuse (Submission), sorte de clin d’oeil à la dramaturgie typique de l’album dub techno, toutes les pistes sont construites autour de structures 4/4 plus simples. Arrivés à la conclusion du EP (Cracked), on comprend que celui-ci marque une incursion totale en territoire dancefloor, comme si Andy Stott s’était fait le défi de mobiliser ses textures informes, terreuses et ténébreuses au profit d’un effort de composition qui s’appuie sur un certain nombre d’obsessions techno : la puissance rythmique, l’efficacité des basslines et la surenchère druggy.
L’habilité d’Andy Stott réside dans sa faculté à donner de la démesure à ces obsessions tout en assumant une écriture proche du temps réel, brute et relativement économe. On parle ici du sample de voix qui renverse l’équilibre précaire de Posers, de l’utilisation d’un flanger qui alourdit puis éclaire We stay together (part one), de cette lame de fond mélodique qui contrebalance la ligne de basse la plus catchy du EP (Cherry eye) ou simplement du mix général des six titres. Rien ne peut être soustrait et rien ne doit être ajouté. Concevoir ce EP comme l’extension dansable de Passed me by est un premier niveau de lecture, le deuxième serait de voir en lui le scintillement morbide d’une esthétique doom techno fraichement formalisée. Le label ne s’y est pas trompé et propose une réédition commune de ces deux sorties, sold-out en Angleterre (le baromètre actuel en la matière) : une manière de combiner rationalité de marché et pertinence de la direction artistique.