Lors de son ouverture en juillet 2000, Les Abattoirs de Toulouse marquaient un coup d’éclat avec la présentation du Rideau de scène pour le Théâtre du Peuple, réalisé en 1936 par Picasso. Mais c’est avec Pierre Soulages, l’un des plus grands peintres informels du XXe siècle, que le centre d’art contemporain entend fêter le nouveau millénaire.
Les belles proportions du bâtiment, composé d’une nef et de salles adjacentes, véritables chapelles faisant écho à la mezzanine, donnent la sensation de se trouver dans une église, illuminée de soleil. Réaménagé par les architectes Antoine Stinco et Rémi Papillault, l’espace conserve, effectivement son plan basilical identique à celui de Saint-Sernin de Toulouse, édifice roman ponctuant le chemin de Compostelle tout comme l’église abbatiale de Sainte-Foy de Conques, un peu plus au sud, et dont Soulages réalisa les vitraux : « lorsque j’ai eu 14 ans, c’est devant l’abbatiale de Conques que j’ai décidé que seul l’art m’intéressait dans la vie. Conques est le lieu de mes premières émotions artistiques. »
En présentant quelques 1200 tableaux et œuvres sur papier choisis pour l’occasion, Soulages a tenu à mettre ses toiles en scène, à les faire dialoguer entre elles. L’artiste a voulu des œuvres plus récentes, en harmonie avec le lieu. Du rez-de-chaussée au sous-sol, le spectateur découvre avec étonnement de gigantesques toiles noires suspendues dans l’espace. Emerveillement donc, et mystère.
On sait que l’artiste originaire de Rodez s’intéresse très tôt au brou de noix : « J’aimais sa puissance de couleur sombre et chaude, et j’aimais aussi que ce soit une matière banale et bon marché. » Certains tableaux y font référence. Mais l’exposition qui relate tout de même 50 ans d’amour passionné avec la peinture, met en avant son attirance pour le noir « lumière ». Dès 1979, en effet, Soulages se passionne pour « l’outrenoir », ou « peinture autreo », qui donne à son œuvre corps et existence. Cette couleur est celle des arbres en hiver qu’enfant il griffonne au fusain ou encore celle de la guerre. La lumière devient matière et matériau à part entière. On découvre ainsi des polyptyques, datant de 1959, 1975 et 1984.
L’exposition apparaît en fait comme un éclatement total de la peinture abstraite. Le commissaire, Alain Mousseigne, également directeur des Abattoirs, ne parle pas de rétrospective, mais d’hommage. C’est une évidence. Soulages fait un vrai pied de nez à tous ceux pour qui abstraction rime avec incompréhension. Ses œuvres sont lisibles et clairvoyantes : « La peinture n’est pas un moyen de communication. Je veux dire qu’elle ne transmet pas un sens mais qu’elle fait sens elle-même. Elle fait sens pour le regardeur, selon ce qu’il est. »
Nombre de conférences ainsi que six films relatifs à l’œuvre de Soulages sont programmés à l’Auditorium des Abattoirs. La librairie complète le cycle des manifestations par de nombreux ouvrages. 2001 sera culturel ou ne sera pas !