Au tour de Kinect, six ans après la Wii, de partir en quête de sa validité d’interface au service d’une expérience de jeu à la densité équivalente aux titres joués à la manette. Tandis que le nébuleux Child of eden (cf. Chronic’art 73 en kiosque) fait figure de rendez-vous manqué à l’accession d’une légitimité gamer – la faute à des contrôles épuisants et approximatifs, Sega, grand artisan du jeu de genre sur cette génération de machine (l’édition des jeux Platinum games, Condemned, House of the dead overkill…) propose pas moins que le premier survival horror exclusivement jouable avec le périphérique de Microsoft.
Empli d’une bonne volonté très boy scout dans cette mission, dès ses premières minutes, Rise of nightmares respire l’amour du cinéma bis droit dans ses bottes et du jeu bancal mais attachant. Surfant sur la vague cinématographiquement contestable du « torture porn », son scénario narre les péripéties cauchemardesques d’un couple en voyage dans les pays de l’Est dont la jeune femme ne tardera pas à être séquestré par un docteur allemand (et nostalgique du IIIe Reich, sans doute) et sa psychopathe d’épouse. Mais plutôt que de pousser à bout la logique stérile du réalisme cracra inhérente à ce genre cinématographique claustrophobe, Sega abandonne en cours de route ses intentions Hostel pour, au bout de quelques chapitres, verser dans un heureux bricolage de n’importe quoi où se télescopent zombies transgéniques, psychopathes mondains baroques (pensez aux aristos de Resident evil : Code Veronica) et clins d’œil en pagaille à la pop culture qui tache.
Cette progression par l’absurde accompagne la révélation de la vraie nature du titre développé par la même équipe de House of the dead (nous y reviendrons plus tard). Celle d’un gameplay foutoir-défouloir pourtant étonnamment lucide et pragmatique sur les splendeurs et misères des interfaces casual (à l’épreuve d’un genre aussi sophistiqué et construit que celui du survival). Un mouvement du bassin suffit à orienter la direction. Une jambe avancée et notre héros se met à marcher. Quelques brassages d’air et autant de coups à l’écran contre les hordes de « zombies ». Fatiguant à la longue (malgré une charitable disposition des check point), le dispositif se révèle efficace, immersif et presque naturel. Mieux, dans sa logique laborantine frankesteinesque et décomplexée, Rise compense la prise en défaut d’une interface survival riche et structurée (Dead space, par exemple) par une implication corporelle contextuelle forte. Poussant plus loin l’investissement gestuel de l’excellent Metroid prime 3 de la Wii, au joueur de mimer l’activation de levier, de se baisser pour éviter un piège mortel, de saisir une échelle, de courir, de se frotter les bras pour se débarrasser de sangsues, de se couvrir les oreilles pour éviter le chant nocif d’ennemis ou de balayer une nuée de moustiques d’un revers de main. Le point d’orgue de cette agitation physique et de la tension dramatique de Rise se trouve dans la rencontre répétée avec un terrifiant Nemesis (à l’instar de celui de Resident evil 3), Enrst, aveugle mais sensible au son et – joli contre-emploi – à proximité duquel le joueur se voit contraint, s’il veut survivre, à l’immobilité la plus totale. Un suspens éprouvant qui rappellera pendant quelques longues secondes au « bon souvenir » d’une autre sensation du survival en lieu confiné, Amnesia. Mais c’est là leur seul point commun. Le survival made in Sega au risque de Kinect se construit surtout autour d’un élargissement du rail shooter (un bras levé bien haut libère le joueur de ces torsions du bassin et le fait avancer automatiquement sur le chemin de sa prochaine porte et de sa prochaine zone infestée) au concept de la libre exploration (ici un encaissement qui recèle une nouvelle arme, là une carte de tarot à collecter). De fait, il faut sans doute chercher du côté d’une recherche de légitimité de façade le nom Rise of nightmares (aux accents tout d’abord graves) quand on joue visiblement à une étrange mais ambitieuse évolution de House of the dead.
En cela, Rise of nightmares rejoint par le biais de l’expérimentation casual le cheptel de ces titres bancals, secondaires mais vivifiant de la tradition survival (Michigan et son point de vue caméraman, Distaster : day of crisis et son gameplay contextuel fourre tout, le premier Forbidden siren et sa multiplication des points de vue…). Conscient de ses propres limites car déchiré entre la louable volonté de bien faire et le difficile abandon des conventions, Rise of nightmare s’il constitue facilement sur Kinect l’expérience gamer la plus probante et immersive à ce jour, marche d’un pas ivre et mal assuré sur le fil qui le relie au survival. Et ce, malgré son admirable effort de briser les frontières entre le confort scolaire du téléguidage et la modernité d’une reconnaissance fidèle, donc libre du corps.