Deux jeunes Américains se rendent à Moscou dans le but de présenter un projet de réseau social. Une fois sur place, ils apprennent que l’idée leur a été volée. Ils vont noyer leur déprime en boîte, où la présence de superbes créatures suscite leur étonnement – à tel point qu’on croit d’abord voir s’ébaucher la piste d’une démarque de Hostel. Soudain, c’est le black out. Une étrange pluie de feux follets s’abat sur la ville, apportant sur Terre et sans que personne ne s’en doute d’abord, de très hostiles aliens invisibles, uniquement détectables au retour ponctuel de l’activité électrique. A leur passage, les réverbères s’illuminent, les radios braillent, les moteurs redémarrent, et tout se rendort sitôt qu’ils s’éloignent. Pour se préserver du danger, les héros portent des ampoules en sautoir autour du cou.
On raconte moins The Darkest hour qu’on ne l’explique, en mettant à jour la formule, le système. Dès le départ Chris Gorak resserre son récit sur les seuls mécanismes de peur (via une assez habile utilisation du hors-champ), ne s’étend guère en palabres, met en place un dispositif simple qu’il exploitera jusqu’à la fin du film, avec plus ou moins d’efficacité (il est d’ailleurs frappant de voir à quel point le tout à fait nul Los Angeles : Alerte maximum, précédent film de Gorak, péchait principalement à l’endroit où The Darkest hour s’en sort le mieux). Dans ce dernier, le cinéaste reprend au moins deux motifs célèbres du film de SF : d’une part les manifestations électriques de Rencontres du troisième type à l’approche des aliens (cf. les jouets dans la chambre du petit Barry), d’autre part le martien invisible de Planète interdite et ses apparitions fugitives, tout en arcs électriques, lorsque la bête se heurte aux clôtures disposées autour du vaisseau spatial de Leslie Nielsen. En un sens plus désuet encore que Planète interdite, puisque ce dernier, au moins, faisait du monstre le fruit de l’inconscient humain (et non une altérité belliqueuse), The Darkest hour déterre le binarisme grossier des années quatre-vingt : il s’agira tout au long du film de distinguer l’Américain du Russe, de redessiner les frontières, de marquer les différences. Lorsqu’on demande à l’un des Américains s’il parle russe, il répond : « Je sais seulement les dialogues de Rocky 4 ». Pittoresque au premier abord, ce pris parti fera finalement glisser, puis tomber le film de Gorak dans une démence eighties, contractant benoîtement les travers hollywoodiens de cette période.
On ne saurait pourtant reprocher au cinéaste son amour du genre, The Darkest hour s’encanaillant agréablement du côté de la série Z, et sans tomber dans le piège du décalage parodique : le canon à propulsion de micro-ondes inventé par les survivants (d’aspect, une sorte de fer à friser emboîté sur un robot-mixeur, bricolé en cinq minutes à l’établi), les costumes de sous-Mad Max et les dialogues improbables ne contaminent jamais une très décente, si ce n’est assez belle mise en scène donnant lieu à quelques séquences marquantes (par l’électricité statique qu’il génère, un alien soulève la mèche de cheveux d’une des héroïnes, en passant près d’elle). Cette espèce d’harmonie entre premier et second degré se met cependant à desservir le film dès qu’il s’agit, pour Gorak, de rendre également hommage à tout ce que ce cinéma des eighties avait aussi de réactionnaire (ce dont souffrait déjà Piranha 3D, quoique moins gravement qu’ici), et The Darkest hour finit par s’alourdir du même poids idéologique que ses modèles, trouvant dans la patrie, l’identité, l’armée, la famille, papa-maman, différents objets de quête pourtant totalement révulsants. A mesure que ce problème s’impose, le film s’encrasse d’enjeux idiots et se révèle par ailleurs, sur un plan strictement narratif, beaucoup moins efficace (exemples : alors que tout n’est plus que ruine et désolation, les personnages décident de rejoindre au péril de leur vie l’ambassade américaine, puis après cela, un sous-marin en partance vers les USA ; partie à Moscou sans le dire à sa mère, une Américaine parvient enfin à remettre en marche son téléphone pour échanger un texto avec maman, ultime soulagement car elle n’avait pas pu le faire avant, etc.) Tout ceci, donc, est rapporté sans nuance par un Gorak persuadé que l’innocent amour du Z et la nostalgie des années Reagan peuvent s’exprimer de la même manière. Il reste qu’en dépit de ses défauts, The Darkest hour pourra charmer par ses quelques idées de mise en scène, son kitsch assumé, sa plutôt bonne tenue globale.