Voir un genre aussi moribond que le simulateur de vol militaire sur consoles (après les médiocres H.A.W.K.S made in Clancy) revenir en fanfare avait de quoi créer l’appréhension : une vieille licence comme Ace combat, prestige aérien des premières années Sony, pouvait-elle se mettre au pas des canons de la modernité ? Boulot d’autant plus titanesque pour Namco Bandai que de rendre un simulateur de vol, genre bien plus exigeant qu’un FPS, aussi racoleur que celui-ci. Sur ce point, Ace combat semble avoir compris la synergie nécessaire entre accroche techno-guerrière et racolage pyrotechnique. Art où le FPS semble être devenu le fer de lance, tutoyant à merveille les meilleurs spots de propagande militaire (cf. notre article « De guerres lasses » dans Chronic’art #74, en kiosque), et dont Ace combat se fait l’héritier par défaut d’autre modèle.
Première preuve, le scénario propose sa relecture décomplexée des diplomaties internationales : dérangé dans son quotidien d’arbitre de conflits locaux, un escadron de l’OTAN met les doigts dans un engrenage international en dévoilant une machination fomentée depuis l’Est. Aucune surprise, la paranoïa expéditive d’une potentielle Troisième Guerre mondiale l’emporte sur la subtilité diplomatique, toute noblesse de voltige en stratosphère, supposée plus altière que celle du biffin, ne pouvant rien contre le pragmatisme d’un effort de guerre.
Les recettes du FPS à succès ont donc trouvé parfait canevas pour implanter leurs automatismes interactifs. Gouverné par une réalisation infestée de scripts et galvanisée par une panoplie d’effets d’épates (recadrages en caméra-épaule, jump-cuts…), Ace combat impose son dépoussiérage au karcher, éclipsant tout briefing tactique ou vol stationnaire en éclaireur. Paradoxalement, le jeu impose son quota de patience sur certaines missions. Parfois aberrantes de longueurs, certaines enchainent les escadrons à descendre ad nauseam, presque comme une objection réactionnaire à la versatilité frénétique de l’action des jeux guerriers actuels. Mais il sait aussi proposer, par quelques customisations de gameplay, de véritables placébos aux relances d’ennemis en batterie. Les règles de jeu initiales, d’une pauvreté affligeante (locker un ennemi puis balancer des missiles téléguidés, faire un minimum de manœuvre pour échapper aux tirs adverses), bénéficient d’une dramatisation bienvenue. L’instauration de « prises en chasse », micro-modes resserrant la mire autour d’un ennemi proche, déplace la simulation de tir (aucun intérêt dans ce genre d’ambiance) vers le tir d’adresse. Ce geste arcade, s’avère fort efficace – et très bien adapté au mode multijoueur – pour son rythme soutenu d’action, bien plus d’ailleurs que son lot de cinématiques intercalaires.
Amère déception que de constater qu’au final, ces excentricités servent surtout une vulgaire démonstration de virtuosité graphique plutôt qu’une remise à plat conceptuelle. En cause également : les modes alternatifs, utilisé comme respiration entre deux vols supersoniques, qui ne parviennent jamais à soutenir cet élan d’innovation. Exactions stylées en hélicoptère (mais trop longues), rail-shooter assis sur une gatling gun (purement décoratives) ou bombardements via satellite (mode débile de destruction chirurgicale, véritable poison du jeu de guerre moderne), autant d’exemples de remplissage et de déséquilibre grevant l’intérêt principal d’Ace combat. Derrière son maquillage documentaire, Ace combat : Assault horizon sait conserver l’essentiel : un shoot, chromé mais mineur, à l’esprit aussi sympathique que beauf, rappelant les meilleurs heures du pape Michael Bay. Ses pilotes gominés, ânonnant leur punchlines sur des envolées lyriques digne d’Hans Zimmer auront du mal à camoufler ses approximations géopolitiques et ses TOC de propagande martiale. Mais ses quelques fulgurances immersives (des sensations subjectives particulièrement contagieuses), réussissent, durant quelques heures, à faire oublier les croisades justicières de Maverick décérébrés au profit de la seule jouissance de la voltige.