En dépoussiérant la plus SF des franchises de DC Comics, Warner semble chercher à réconcilier le super-héros avec une certaine candeur perdue. A l’heure très postmoderne du nazebroque masqué (Spider-man, Kick-ass, The Green hornet, et autres justiciers nerds de même farine), Green lantern se démarque et tente de reconquérir un grand public nostalgique des vrais surhommes aux mâchoires carrées qu’exaltaient les comics d’antan. Sous les traits de Ryan Reynolds, Hal Jordan démarre son aventure avec un capital virilité qui le distingue nettement d’un Peter Parker, et un premier degré benêt très éloigné des vannes fusillantes de Tony Stark. Retour, donc, du superhéros straight, WASP et droit dans ses bottes fantasmé par chaque petit Américain ; en même temps, résurgence d’un kitsch vintage au charme potentiel. Au lieu de devenir un leader, l’otaku de service endosse même le rôle du supervilain – une sorte de Michel Blanc dix fois plus frustré que dansLes Bronzés – comme pour sceller le divorce du super-héros avec la médiocrité quotidienne.
Une telle lubie passéiste aurait pu déboucher sur un savoureux résultat : au choix, une panouille pince-sans-rire grimée en blockbuster sérieux, ou alors une généreuse épopée attendrissante de naïveté. Las, elle tire davantage du côté de l’enlisement nanardeux qui menaçait déjà, pour des raisons analogues, Les 4 fantastiques et certains X-men. Le versant fantasy du film, surtout, rend la déglutition difficile : propulsé sans préavis dans une autre galaxie, notre athlétique Reynolds nourri à la viande rouge se voit enrôlé dans une congrégation de guerriers interstellaires, dont certains descendent du poisson et s’expriment avec un accent anglais, histoire de marquer leur exotisme. La laideur de l’imaginaire proposé, ses créatures empâtées et peinturlurées de teintes fuchsia précipitent Green lantern vers le naufrage en territoire Z, sans la moindre bouée d’humour à l’horizon. L’initiation, quant à elle, vire au prêchi-prêcha humaniste : Jordan est élu par les cancrelats verdâtres précisément parce qu’il est humain, et qu’il a appris non pas à ignorer la peur, mais à la surmonter. Dommage qu’on n’éprouve pas un brin d’empathie pour son éveil éthique, parce que l’audace pompière de quelques séquences a de quoi électriser l’atmosphère. On devra d’ailleurs se contenter de ce barouf lancé à toute allure, en regrettant que l’orthodoxie du scénario et de l’univers graphique ne soit pas poussée au point d’atteindre leur apparente ambition : raviver la vieille mythologie du super-héros d’après-guerre, à la pureté aussi éclatante que son costume, ici recoloré avec une palette criarde au possible.