Sorti au Japon en 1988, Mon voisin Totoro est le quatrième long métrage de Hayao Miyazaki, réalisateur célèbre en Europe pour le succès de Porco Rosso en 1992. De ses nombreux films (depuis 1963, il a travaillé sur plus d’une cinquantaine de projets), Mon voisin Totoro est celui qui se distingue le plus du dessin animé classique. Miyazaki y approfondit en effet l’un de ses thèmes favoris, l’onirisme. En nous racontant l’histoire de deux jeunes filles qui emménagent avec leur père en pleine campagne, près de l’hôpital où séjourne leur mère malade, le réalisateur nous fait entrer de plain-pied dans l’univers intime des deux enfants. Progressivement, le spectateur partage tout ce que les protagonistes vivent, découvrent, et ne fait alors plus la distinction entre rêve et réalité. A première vue, ces êtres très étranges que sont les « Totoros » (des esprits de la forêt, dont un chat de trois mètres de haut et une créature géante mi-chat mi-bus) pourraient faire apparaître comme bizarre, voire ridicule la situation. Mais, grâce à la mise en scène de Miyazaki -qui consiste à nous familiariser d’abord avec les protagonistes, pour ensuite nous permettre de glisser petit à petit dans leur monde extraordinaire-, une logique intrinsèque au film s’installe, permettant au spectateur d’accepter les événements surnaturels se déroulant sous ses yeux.
Loin des films d’animation japonais habituels où le fantastique est utilisé a l’excès, au point d’étouffer le scénario, Mon voisin Totoro aborde très sobrement les séquences d’imaginaire, et les met ainsi véritablement en valeur. Le film de Miyazaki se déroule dans un Japon traditionnel et rural, et raconte le quotidien d’une famille simple. Les apparitions du gros chat Totoro (pas plus de quatre ou cinq dans le film) au sein de ce décor si ordinaire n’en deviennent alors que plus exceptionnelles. Le charisme de ce personnage hors du commun est si imposant qu’il suffit à alimenter l’intensité dramatique de certaines scènes, détachées de toute narration et vraiment fascinantes (voir la séquence d’attente à l’arrêt du bus qui ne comporte pratiquement aucune parole sur plus de sept minutes).
Avec ce chef-d’œuvre à l’esthétique parfaite, où chaque plan a une signification (le film fait notamment référence à la pensée religieuse Shinto), le réalisateur japonais écrit un véritable hymne à la nature. La beauté des cadres et des dessins extrêmement travaillés montre l’univers paysan de manière respectueuse et admirative. Plus qu’un simple message écologiste, l’objectif de Miyazaki est de « donner au public un sursaut d’énergie », de « le toucher d’une façon à nulle autre pareille ». Avec Mon voisin Totoro, il atteint admirablement son but.